En passant

Exploration en terre musicale inconnue (29)

Au temps du vinyle, la production phonographique française est assez minimaliste par rapport à un pays comme les USA. Cela ne veut pas dire qu’elle n’existe pas. Malgré tout, une immense partie de cette production restera dans l’ombre, par manque de soutien de la presse spécialisée, par manque de diffusion radiophonique, par manque promotion. Je me souviens d’avoir vu chez les disquaires des représentants de maison de disques faire la promotion de nouveautés du catalogue. Ils n’avaient rien de différent des autres représentants, sauf qu’ils vendaient ou faisaient la promotion des disques au lieu de brosses ou d’assurances. Il y avait ce qui était en demande, les fameux succès du moment, et des trucs moins connus ou inconnus qu’il fallait essayer de refiler au disquaire en vantant la marchandise, charge à lui d’en souligner les mérites auprès d’une clientèle dont il connaissait les goûts.
Malgré cela une très grande partie de cette production est restée inconnue, ne s’est pas ou mal vendue, c’est en général ces disques qui font le bonheur des encyclopédistes, même certains sont devenus de très estimables pièces de collection. Allons faire un tour dans ces publications dont la plupart vous sont inconnues, autant les chansons que les artistes, à moins que vous n’ayez été un chasseur de disques averti pour quelques uns d’entre eux. Toutes les publication dont je parle ici ont bien été éditées en France et sont uniquement des 45 tours.

1963 – The Big Three / What’d I Say. Ce trio anglais était au moins aussi populaire à la fameuse « Cavern » de Liverpool que les Beatles. Mais une fois la porte de sortie franchie, ils l’étaient beaucoup moins. Après s’être mordu les doigts de ne pas avoir signé les Beatles, Decca s’accrocha à tout ce qui pouvait avoir une connexion avec les Beatles. Ils signèrent Pete Best, le batteur écarté au profit de Ringo Star, et ce trio en publiant un EP enregistré en live dans le fameux endroit. Rien de très original, mais une bonne reprise du classique de Ray Charles. Ils n’eurent par ailleurs que des succès mineurs dans les classements. le seul qui tira bien son épingle du jeu fut le bassiste John Gustafson qui fit partie des Merseybeats, Quatermass, Roxy Music, et plus tard une reformation des Pirates de Johnny Kidd. Le EP fut fut publié en France, mais il est d’une rareté à fait pâlir un vampire assoiffé de vinyle.

1972 – Greenfield & Cook. Un splendide duo folk/psyché d’origine hollandaise. On peut se demander à son propos pourquoi un disque ne devient pas un succès. Assez connus dans leur pays d’origine, ce premier single français, malgré ce titre accrocheur pour autant que l’on aime un peu planer, se solda par une échec total. Il est vrai qu’à la même époque la France se gargarisait avec les Poppys, qui intéressaient assez peu les fumeurs de joints. Tiens fume, c’est pas du belge !

1966 – The Beatstalkers /You’d Better Get A Better Hold On. Groupe d’origine écossaise qui avait le pouvoir de transformer l’eau bénite en whisky, du moins c’est ce que l’on pourrait croire en lisant les commentaires au dos de la pochette de ce très rare EP français. Certes, ils furent populaires en Ecosse, mais le reste du monde sembla assez hermétique à leur talent. Cette publication française reste un des seuls témoignages d’époque si l’on désire les voir en photo sur la pochette. C’est sans doute ce qui fait son attrait, car une copie peut se vendre plusieurs centaines d’euros. Le titre proposé montre une tendance r’n’b assez proche de celle  des Small Faces.

1968 – Les Classels / Les Trois Cloches. De temps en temps les vieille recettes de succès sont remises au goût du jour. Les fameuses « Tois Cloches » firent le tour du monde avec Edit Piaf et les Compagnons de la Chanson, puis plus tard par les Browns en version anglaise. Le groupe canadien les Classels en proposa un version dépoussiérée et résolument moderne. Ce plutôt réussi, mais le miracle ne se reproduisit pas, du moins dans sa publication française.

1966 – Bobby Fuller Four / I Fought The Lav. Les hits américains ne trouvent par forcément grâce auprès du public français, sauf peut être auprès des chanteurs français qui l’adaptent (ici Caude François « J’ai Joue Et J’ai Perdu »). Cet EP publié par London est rarissime, très récemment une copie s’est vendue 276 euros sur Ebay. Bobby Fuller ne profita pas longtemps de sa notoriété, car on trouva son cadavre dans un coin d’Hollywood, suicide, mais plus probablement meurtre, le mystère n’est toujours pas résolu.

1959 – Toni Dalli / Just Say I Love Her. Seule publication française de ce chanteur né en Italie et possédant une très belle voix, digne d’un chanteur d’opéra. C’est plus de la variété italianisante que de l’opéra, mais cela ne l’empêcha pas de se produire dans les plus grandes salles américaines comme Carnegie Hall. Je suis toujours en admiration devant des gens qui possèdent ce genre de don. Comment voulez-vous qu’une femme à qui l’on fait une déclaration d’amour dans ce style ne tombe pas dans vous bras?

1972 – Drama / Mary’s Mama. Le chanson est bien connue en France, elle fut la proie de Sheila « Le Mari De Mama ». Mais elle fut créée par ce groupe hollandais dont cette publication française retourna assez vite dans les oubliettes. C’est un bel exemple de musique que je n’aime pas, tellement c’est vite énervant. Mais chacun ses goûts, ce n’est pas une critique, juste un avis personnel.

1964 – Billy Strange / House Of The Rising Sun. Ce guitariste et arrangeur américain hors-pair a une discographie assez abondante dont une partie a été éditée en France, qui sans être rare, n’est pas très courante. De toutes les versions instrumentales qu’il existe de ce fameux « Pénitencier », celle-ci est assurément une des plus flamboyantes.

1964 – Les Guitares Sèches / Le Pénitencier. Restons avec cette fameuse chanson. Johnny n’est pas le seul à l’avoir enregistré. Il y a eu les Players et aussi ce groupe produit par l’excellent Ken Lean. La version reste dans l’essence de l’original, une chanson de folk traditionnel. Ce n’est de loin pas déplaisant et mérite un petit détour. La qualité du son n’est pas au top, il y a quelques grattements et même un petit saut, mais ce n’est pas le genre de disque que l’on peut trouver à tous les coins de rues, en posséder et en trouver une copie est déjà presque un exploit. Je l’ai dans ma collection depuis plus de 50 ans et ce n’est pas le disque dont je me séparerais en premier.

1967 – Billie Davis / Angel In The Morning. Elle fut la petite amie de Jet Harris, le premier bassiste des Shadows. Elle connut un succès anglais en 1963 avec une reprise de « Tell Him » des Exciters. Sa carrière en dents de scie la voit réapparaître après un silence conséquent dans le fond des chars anglais avec une version, mais pas l’original, de cette chanson écrite par Chip Taylor, qui composa aussi « Wild Thing » pour les Troggs. Cette première publication française ne lui apporta pas gloire et fortune au pays des mangeurs de cuisses de grenouilles.

1969 –  Bill Deal & The Rhondells / What Kind Of Fool Do You Think I Am. Un groupe américain blanc qui sonne bien noir. Seule publication française pas trop facile à apercevoir, même avec une loupe.

1969 – The Frost / Help Me Baby. Le groupe est une des belles révélations de 1969, surtout avec son guitariste très remuant, Dick Wagner. C’est une sorte de hard rock version vintage comme Blue Cheer. Ils connurent une assez belle notoriété en France avec leur premier album enregistré en live et surtout la chanson « Rock And Roll Music » qui n’a d’ailleurs rien à voir avec la chanson de Chuck Berry. Un second single en fut extrait avec une version raccourcie du titre que je vous propose ici en version intégrale, « Help Me Baby » qui chauffe bien. Ce single n’est pas vraiment courant. Plus tard, Dick Wagner sera le guitariste d’Alice Cooper.

1959 – The Islanders / The Enchanted Sea. Si vous êtes un fan de Sacha Distel ou Sheila, vous connaissez peut-être cette chanson d’origine américaine. Ils en firent un peu plus tard une reprise sous le nom de « Un Bateau S’en Va », ils ne furent d’ailleurs pas les seuls. L’original parut en France en 1959 sur un EP partagé avec un autre groupe, les Warriors. Ce disque est une petite innovation pour l’époque, il utilisait passablement les effets sonores, comme ici les vagues. Quant aux Islanders, ils disparurent très vite de la circulation, plus vite que leur chanson reprise maintes fois.

1970 – Flynn Mc Cool / U.S. Thumbstyle. Ce groupe très peu connu résulte de la fusion des deux autres groupes, l’un fut les Shakespeares assez connu en France, mais originaire de Rhodésie et l’autre les Grapefruit. Ce dernier est une découverte des Beatles qui les signèrent avant que le groupe n’aie mis en route son label Apple. C’est ainsi que les disques furent licenciés au label RCA, qui permit un groupe de trouver quelques succès avec leur morceau fétiche « Dear Delilah ». Sous leur nouveau nom, la fusion produit un rare album, dont il semble que le groupe n’autorisa pas la publication, mais on se passa de son avis. C’est plutôt pop et ce rare single en fut extrait pour une édition française.

*****

2 réflexions sur “Exploration en terre musicale inconnue (29)

  1. Bonjour M. Boss,
    Les Classels,, comme beaucoup de groupes du Quebec ont repris en français des titres des Beatles, mais des Classels, seulement deux titres qui ont été d’ailleurs à d’autres par les Fab Four : A world without Love donné à Peter and Gordon (Un monde sans amour) et How do you do it donné à Gerry and the Pacemakers (L’effet que tu me fais) .
    Grapefruit ….une grande histoire avec les Beatles …..c’est vrai.
    …Bonne semaine
    cooldan

    • Hello Cooldan,
      En effet, les Canadiens francophones ont souvent imité les Français en faisant beaucoup de reprises, d’autres comme les Sinners chantaient dans les deux langues, ce qui était relativement facile pour eux.
      Ah les Grapefruit, j’ai toujours adoré, j’écoute encore souvent « Dear Delilah », c’est pour moi inoubliable.
      Bonne fin de semaine

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