Au temps du vinyle, la production phonographique française est assez minimaliste par rapport à un pays comme les USA. Cela ne veut pas dire qu’elle n’existe pas. Malgré tout, une immense partie de cette production restera dans l’ombre, par manque de soutien de la presse spécialisée, par manque de diffusion radiophonique, par manque promotion. Je me souviens d’avoir vu chez les disquaires des représentants de maison de disques faire la promotion de nouveautés du catalogue. Ils n’avaient rien de différent des autres représentants, sauf qu’ils vendaient ou faisaient la promotion des disques au lieu de brosses ou d’assurances. Il y avait ce qui était en demande, les fameux succès du moment, et des trucs moins connus ou inconnus qu’il fallait essayer de refiler au disquaire en vantant la marchandise, charge à lui d’en souligner les mérites auprès d’une clientèle dont il connaissait les goûts.
Malgré cela une très grande partie de cette production est restée inconnue, ne s’est pas ou mal vendue, c’est en général ces disques qui font le bonheur des encyclopédistes, même certains sont devenus de très estimables pièces de collection. Allons faire un tour dans ces publications dont la plupart vous sont inconnues, autant les chansons que les artistes, à moins que vous n’ayez été un chasseur de disques averti pour quelques uns d’entre eux. Toutes les publication dont je parle ici ont bien été éditées en France et sont uniquement des 45 tours.
1957 – Frankie Brent / Rockin’ Shoes. Un chanteur américain peu connu essaye de se positionner dans le rock and roll. Lors d’une tournée en Angleterre, il se voit offrir la possibilité d’enregistrer un disque pour Pye. Un fois fait, cette publication est relayée en France par Vogue. En 1957, le rock même édulcoré n’était pas (encore) trop un must pour le jeunesse française. Pour la petite histoire, le guitariste dans ce disque est Bert Weedom, qui sera plus tard le premier à enregistrer le célèbre « Apache », avant de se faire souffler le succès par les Shadows.
1966 – The Mersey / Sorrow. Ce duo dissident des Merseybeats, enregistra cette chanson qui fut un bon succès en Angleterre. En France, Fontana la publia sur un rare EP qui ne rencontra pas un succès fracassant. Cette pièce attire sans doute les fans de David Bowie qui intégra ce titre dans son album « Pin Ups ». La version originale fut enregistrée par les McCoys et fait suite à leur tentative de renouer le succès de « Hang On Sloopy ».
1967 – The McCoys / Beat The Clock. Retournons un instant chez les McCoys. Troisième EP publié en France, le plus rare et plutôt intéressant. Le titre principal marque une rupture avec le style précédent, il flirte un peu avec la musique psychédélique. Rappelons que le guitariste Rick Derringer fut membre de ce groupe avant de devenir un guitar hero.
1972 – Proud Mary / I Want To Talk About Myself. Ce groupe est surtout une chanteuse de funk noire du même nom. Publié par Pink Elephant (Shocking Blue) en Hollande, et repris sous licence pour la France. En réalité, il s’agit d’un enregistrement produit en Suisse (publié pour le marché suisse par Pirate’s Records), par un certain Stephen Sulke, qui n’est autre que le chanteur Steff qui enregistra quelques titres en français chez VSM vers 1963. Les deux titres de Pround Mary seront repris en 1972 pour un album sur le label suisse Evasion, fondé les anciens Faux Frères qui publièrent une flopée de disques chez Vogue et Barclay. Toutes les publications de cette dame sont très recherchées, spécialement l’album Evasion. Prix en rapport.
1961 – Rocco Granata / Carolina Dai. Rocca Granata, chanteur italien de la Calabre, a amassé une fortune avec une chanson « Marina ». Elle fit le tour du monde en 1959-60, et fut même classée dans le hit parade américain. En France on la connaît surtout par Dalida et Bob Azzam, le créateur restant assez peu connu chez nous. La plupart des publications françaises ne sont pas très courantes, et recherchées, excepté par quelques collectionneurs étrangers qui ne vont pas dépenser des fortunes. Un extrait du second EP publié par Vogue. C’est très italien.
1967 – J.J. Jackson / Boogaloo Baby. Chanteur de R’N’B assez peu connu en France. Deux rares EP’s furent publiée en France. Un extrait du second, un très bon titre.
1973 – Burundi Black B / Africa Manga. Ce disque cache l’initiative d’un pianiste français Michel Bernholc qui apparaît ici sous le pseudo Mike Steiphenson. Venu du conservatoire, il travaille avec des vedettes comme Veronique Sanson, Michel Berger, France Gall. En 1971, il a l’idée de reprendre un enregistrement de musique de rythmes africains et lui additionner une orchestration pop. Le disque est publié sous le nom de Burundi Black B et devient un succès international. Un second single voit le jour, celui-ci, selon le même principe. Mais il rencontre nettement mins de succès.,il est de ce fait bien plus confidentiel.
1966 – Chico Buarque / A Banda. C’est encore une de ces chansons brésiliennes que tout le monde connaît, sans forcément connaître le créateur original. Cette chanson fut surtout découverte internationalement grâce à Astrud Gilberto et la version instrumentale de Herb Alpert no 1 aux USA, deux autres interprètes brésiliens. L’original parut en France dans une relative confidentialité.
1965 – Chris Andrews / Ton Jour De Chance. Chris Andrews composa une bonne partie des hits de Sandie Shaw et composa aussi pour d’autres. Comme interprète, il connut aussi quelques succès dont « Yesterday Man » un tube en 1965 dans une bonne partie de l’Europe. Il profita de l’occasion pour enregistrer quatre titres en français dont son succès qui devient « Ton Jour De Chance ». mais le radios diffusèrent plutôt le même chanson enregistrée par Monty. Ce disque est nettement plus rare que celui qui contient la version anglaise. Aujourd’hui Chris Andrews est encore très populaire en Allemagne où il se produit assez souvent.
1964 – Big Maceo / Worried Life Blues. Durant les sixties, le label RCA publia une longue série de EP’s et albums consacrés à quelques belles pages du jazz enregistrées bien des années avant. On y trouve aussi du blues authentique comme cette création de 1941 que tous les fans des Animals connaissent puisqu’ils en firent une reprise. Sans être très rares pour certaines, ces publications n’en sont pas moins beaucoup moins courantes que les succès de l’époque.
1962 – The Bluegrass Gentlemen / Tobacco Road. Pour ceux qui ne savent pas ce que c’est le Bluegrass, eh bien il s’agit de folk blanc américain traditionnel, cousin de la musique country. Guitare, banjo, et planche à laver pour la rythmique, sont très présents dans ce style. Sur cet unique EP paru chez Liberty, on trouve une version du classique de John D. Loudermilk « Tobacco Road » avant que les Nashville Teens en fassent un succès international deux ans plus tard dans une version complètement remaniée.
1966 – Milva / Nessuno Di Noi. Milva est l’une des plus populaires chanteuses italiennes. Sa popularité déborde un peu en France sans jamais être ici une vedette de premier plan, malgré quelques enregistrement en français. En 1966, elle se présente au festival de San Remo, selon le principe du festival, la chanson est interprétée par un artiste italien et un artiste en principe étranger. Ici, elle a comme partenaire Richard Anthony et la chanson est « Nessuno Di Voi ». Ils se classent à la neuvième place. Toujours selon le règlement du festival, la chanson qui remporte le premier prix ira représenter l’Italie à l’Eurovision interprétée par l’artiste italien. Cette année-là, c’est Domenico Modugno qui gagne et va chanter son truc au Luxembourg. Il terminera dernier avec O point. Nul doute que si Milva y avait été, elle aurait fait mieux. La chanson de Milva figure sur un rare EP français. La version de Richard Anthony se trouve sur un single publié en Italie, lui aussi assez rare.
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Bonjour M. Boss,
Beaucoup de plaisir à écouter cette diversité de titres, Je ne connaissais pas cette version de Richard Anthony Nessuno di voi
Bonne semaine
cooldan
Hello Cooldan,
J’ai longtemps méconnu ce titre de Richard Anthony, je l’avais découvert sur une intégrale de Richard Anthony en CD que j’avais trouvée dans un Emmaüs. Il y avait toutes les chansons en langue étrangères qu’il avait enregistrées.Ce n’est pas mon chanteur préféré, mais il y en a une ou deux que j’aime bien. J’ai aussi passablement de vinyls de lui, on les trouve facilement dans les puces pour des prix ridicules. A voir la quantité que l’on trouve, c’est quand même un chanteur qui a vendu beaucoup de disques.
Bonne fin de semaine