En passant

Paris par-ci, par-là

On peut toujours se promener dans Paris, voir des tas de choses et trouver cela intéressant. Mais où que vous soyez dans la ville, il y a à peu près partout quelque chose qui vous échappe ou que vous ne savez pas. Il y a une sorte d’invisible, mais qui est en fait très visible dans certains cas. Il faut juste regarder ou savoir.


A trois pas de la Seine. en venant de l’île Saint-Louis vous empruntez le Pont Marie en direction nord. Vous franchissez le carrefour et sur votre droite tout de suite après vous prenez la rue de l’Hôtel de ville. Vous apercevez une maison ancienne en pierre jaune, c’est l’Hôtel de Sens. Vous suivez la rue afin de vous mettre devant la porte d’entrée. Cette maison a déjà sa petite histoire. Sa construction fut achevée en 1519, on dit que Nostradamus y séjourna et aussi la reine Margot. En 1606, alors qu’elle rentrait avec son amant, un charpentier paraît-il, un comte jaloux du nom de Vermont tua son rival d’un coup de pistolet. Folle de rage, la reine fit exécuter le comte séance tenante devant l’hôtel. Elle offrit même au bourreau ses jarretières afin qu’il soit étranglé et non décapité comme la loi l’exigeait. Le bourreau respecta quand même la loi, et il finit avec la tête en moins.
Mais aujourd’hui, il y une chose qui est visible, plus que la fantôme de la reine Margot, et qui appartient un peu à l’histoire. En face de la porte, regardez un peu en-dessus de deuxième étage vers la gauche, vous verrez un rond noir. C’est un bête boulet de canon qui se planta dans le mur le 28 juillet 1830, au cours des Trois Glorieuses, la seconde révolution après celle de 1789, qui vit l’abdication de Charles X. Au fait, personne n’a jamais songé à l’enlever, on y ajouta même sa « date de naissance ».

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En partant de la place Place Vendôme, prenez la rue de la Paix et arrêtez-vous au no 7. Ici vous ne verrez rien, sinon une porte, mais pourtant il y a un lien avec quelque chose que vous avez vu un tas de fois. C’est là qu’arriva en 1859 un de ces conservateurs anglais, Frederick Worth, enfin pas tant conservateur que ça. On s’imagine très bien ce que pouvait représenter la mode à cette date, surtout féminine. Des dames habillées et couvertes d’habits, des forteresses vestimentaires. La crinoline est reine, il faut manoeuvrer pour se croiser dans les passages étroits, les jupes ramassent la poussière des trottoirs, les chapeaux peuvent servir de perchoir pour les oiseaux. On va chez les couturiers, on choisit les tissus, et tous ces braves gens se mettent à l’ouvrage. On vient voir le résultat plus tard, un rien d’angoisse à l’esprit. Ce tissu me grossit-il ? J’ai pas trop l’air gourde ? Vous en penses quoi Monsieur mon mari? Que d’angoisses bien bourgeoises.
Cet Anglais va faire une révolution, toute simple, mais il fallait y penser et oser. Il invente le mannequin vivant. Fini les palabres pour choisir ceci ou cela. Les habits bougent et passent devant vous sur des jolies dames aux gestes élégants. Il utilise aussi sa femme comme modèle. On peut imaginer que les maris présents se foutent un peu des tenues et imaginent autre chose. Les dames, elles, s’arrêtent sur tel ou tel modèle. Le succès sera grand et il est aussi l’inventeur de la mode selon la saison. Vu le succès le concept sera repris par d’autres couturiers.

Les lieux vers la fin du 19ème siècle

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A un jet de pierre de la Bibliothèque nationale de France, dans le 2ème arrondissement, vous pourriez par hasard emprunter une de ces petites rues qui papillonnent dans le coin et vous trouver devant cette austère façade. Elle est surtout anonyme. Mais si vous avez pris la peine de lire le nom de la rue et que vous connaissez un peu l’histoire de Paris sans remonter à l’époque des Romains, peut-être que cela a titillé vos souvenirs. Nous sommes à la rue Chababais au numéro 12, le Chabanais, bon sang mais c’est bien sûr. Ce fut une des maisons closes les plus célèbres et les plus luxueuses de Paris de 1878 à 1946. N’y allait pas qui veut, il fallait avoir le portefeuille bien garni. En échange, la maison offrait toutes les plaisirs possibles selon les désirs de la clientèle, une trentaine de filles pour tous les goûts, des chambres luxueuses sur plusieurs étages aux décors à thème. Il y avait même un wagon de train reconstitué dans lequel le client pouvait se faire surprendre par le contrôleur en plein ébats. C’est dire où va se loger la libido de certains fortunés.
Evidemment, il y eut quelques célébrités qui passèrent dire un petit bonjour. Le futur roi d’Angleterre, Edouard VII, fut parait-il un des piliers de l’établissement. Mais on aperçut aussi Maupassant, Anatole France, Toulouse-Lautrec, Salvador Dali, Marlène Dietrich au bras d’Eric Maria Remarque, la liste remplirait un bottin de téléphone.

Mais Paris est un véritable océan. Jetez-y la sonde, vous n’en connaîtrez jamais la profondeur.
Honoré de Balzac

L’entrée au temps de sa gloire.
La maison vue de la rue

Sources . Wikipédia, B.N.F, Street view, DP

2 réflexions sur “Paris par-ci, par-là

  1. Vous parlez là de ce que je trouve le plus magique à Paris : il suffit de sortir du métro et de se laisser aller à flâner pour rencontrer des lieux, des anecdotes, des histoires…
    Telle façade qui semble être celle d’un immeuble banal cache la machinerie de l’aération du métro, tel événement raconté dans les livres ou à l’école a eu lieu ici… Sans compter bien sûr tous les anecdotes qui se racontent plutôt sous le manteau !
    Il est un point que je trouve joliment ironique : la haute couture parisienne a été inventée par un anglais ! Certains portraits d’Élisabeth d’Autriche nous donnent à voir quelques-unes de ses créations.

    • Hello Anagrys,

      Paris vaut bien une messe, mais plutôt que d’entre dans une église pour prier, essayons d’en percer les secrets. Et ceci est presque valable pour toutes les maisons de Paris, du moins les plus anciennes. C’est ce que j’aime dans Paris, les murs se racontent à condition de les faire parler et d’être un peu curieux. En plus c’est gratuit et cela peut durer une éternité.

      Excellent week-end

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