En passant

Paris, par-ci, par-là (3)

En vous promenant rue de Charenton, près de la place de la Bastille, arrivé au no 28 vous pourrez voir l’entrée d’une ancienne caserne de mousquetaires. Il ne reste guère que le portail d’entrée et une chapelle comme témoignages anciens. C’est aujourd’hui un hôpital où l’on traite les problèmes du vue, autrement dit l’endroit est dédié à l’ophtalmologie. A vol d’oiseau la Seine se trouve à 500 mètres au sud. On se méfie d’elle, elle a ses colères. La plus documentée reste celle de 1910, mais elle ne fut pas la seule. En 1740, sous Louis XV, elle se fâcha et se moqua des précautions prises alors pour endiguer ses flots. La rue de Charenton était réputée assez haute pour faire un pied-de-nez aux éventuels débordements de cette Ondine curieuse de visiter Paris. Les mousquetaires prirent un bon bain, avec sans doute l’avantage d’être bien propres, mais ce n’était pas leur fierté première. Il y en a quand même un qui décida de marquer l’événement en scellant dans le mur une pierre qui marque la hauteur des eaux. Par comparaison, en bas à la même place, le niveau de celle de 1910, un bon mètre plus bas. Presque trois siècles plus tard, elle est toujours visible à droite du portail.

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Si vous sortez du métro à la station Strasbourg – St Denis, vous ne manquerez pas d’apercevoir l’arc de triomphe qui se trouve de l’autre côté de la rue. Tournez tout de suite à gauche et la fameuse rue St-Denis s’offre à vous. Jadis, cette rue était un haut lieu de la prostitution. Je me souviens de l’avoir une fois descendue il y a plus de 40 ans en plein après-midi, j’avais compté 62 prostituées qui attendaient le client devant les maisons de la rue. Aujourd’hui elle existe encore, mais bien plus discrète, le racolage est maintenant un délit. Vous pouvez toujours demander votre chemin à une de ces dames qui semble attendre patiemment on peut deviner quoi. En longeant la rue sur le trottoir gauche, enfilez vous dans la deuxième rue, qui se nomme rue Blondel. Juste après le début de la rue si vous levez un peu les yeux sur votre gauche, vous apercevrez un plaque avec le no 32, à angle droit avec la rue. C’est bien le numéro de la rue, mais sa particularité est d’être différent d’un no de rue normal, les chiffres sont plus grands. A l’époque on avait deux moyens pour signaler une maison close, une lanterne rouge pendue à l’entrée ou alors un numéro de rue sensiblement plus grand que le numéro standard. En langage un peu élégant, au lieu de dire que l’on allait au bordel, on allait au grand numéro. Ce numéro 32 abritait un lieu qui avait sa petite réputation et qui avait comme nom prédestiné Aux Belles Poules. Nom de code pratique pour les agriculteurs de la banlieue venus à Paris pour renouveler le cheptel de la basse-cour. De plus les Halles d’alors, fameux marché parisien, ne se trouvaient pas très loin tout en assurant un discret éloignement. Les lieux existent toujours, très bien sauvegardés tant pour le décor assez remarquable que pour le nom. Il sert aujourd’hui à diverses activités qui vont du culturel à l’événementiel.


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Pigalle c’est non seulement un quartier, une place, et aussi une rue. Pendant longtemps, il a été symbole de l’amusement et des plaisirs. Au fait, savez-vous qui est le personnage qui a donné son nom à la rue? C’est Jean-Baptiste Pigalle, un célèbre sculpteur du 18ème siècle. Une colle à poser aux touristes chinois. Il parait qu’à Pigalle on ne s’amuse plus trop. Mais nous sommes venus ici pour palper l’insolite et l’histoire de Paris. Depuis la place, descendons la rue Pigalle, oui elle est en pente. Au premier carrefour, regardez à droite, il y a un bistrot, Le Sans Souci, pas tout à fait anonyme. Il inspira un célèbre roman La Passante du Sans-Souci de Joseph Kessel, dont une partie de l’action de passe dans les lieux. On peut y ajouter le film du même nom avec Michel Piccoli et Romy Schneider. Mais il fut aussi le décor d’une histoire sordide qui se déroula à la fin des années cinquante, et celle-là ne sort pas de l’imagination d’un romancier. Georges Rapin, Monsieur Bill comme il se faisait appeler, est un fils à papa, papa qui en plus a du fric. Il aurait pu se contenter de ce fric et le dépenser en frimant. Mais lui a un autre rêve, il se voit en truand. Je ne crois pas qu’il existe une école qui enseigne le métier, la formation se fait un peu sur la tas. Il devient un client assidu du Sans Souci. Cela tombe bien car le bistrot est fréquenté par les gens du milieu. Alors il essaye de briller parmi la clientèle et se comporte comme s’il en faisait partie en inventant toutes sortes d’histoires. Ces messieurs l’écoutent à peine poliment, car eux ont passé depuis longtemps du mythe à la réalité. Même s’il porte un flingue à la ceinture et essaye de se lancer dans la prostitution, il ne fait pas trop illusion. Il rachète une entraîneuse Muguette Thirel, 23 ans, dite Dominique ou Domino. Voulant de plus en plus jouer les durs, il l’assassine dans la nuit du vendredi 29 au samedi 30 mai 1959, à deux heures du matin. Le prétexte est qu’elle ne lui rapportait pas assez. Sans que cela soit une règle absolue, il arrivait que dans le milieu on se débarrasse d’une fille qui prenait certaines libertés ou jouait un double jeu. Avec cela Rapin devenait un vrai dur dans sa libido, loin du voleur à l’étalage.
L’affaire tourna court assez vite, on suppose que le milieu le dénonça, on n’aime pas trop que la police vienne mettre son nez dans leurs affaires. Le commissaire Maigret de l’époque est certainement venu prendre l’apéritif dans l’endroit et posé quelques questions. Rapin arrêté, on lui colla un autre meurtre, celui d’un garagiste avec qui il s’était pris de bec, ceci bien avant la fameuse nuit. Poussant le bouchon encore plus loin, il s’attribua plusieurs autres meurtres tous imaginaires. Reconnu coupable, il fut guillotiné le 26 juillet 1960, il avait 23 ans. Le Sans Souci est fermé depuis 2023, peut-être que l’aspect des lieux changera dans un futur proche.

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18 rue Douai

Profitons puisque nous sommes dans le coin, empruntons la rue qui part direction ouest à l’angle du Sans Souci, la rue de Douai. Tout de suite après le bistrot, au no 6, un magasin du guitares. Ce fut celui d’un célèbre guitariste, Marcel Dadi. Il mourut le 17 juillet 1997 lors de la mystérieuse explosion du Boeing TWA 800, survenu peu après son décollage de New York. Marchons encore un peu jusqu’au no 18, c’est aussi un magasin de guitares. Il y a 60 ans, les lieux étaient aussi dédiés à la musique, mais d’une autre manière. Ce fut le siège des disques Bel Air. le label vit passer quelques vedettes, les Pirates, Leny Escudero, Nino Ferrer, les Champions, Serge Lama, Rika Zaraï et bien d’autres. A l’origine c’est un sous label de Barclay. En 1963, lors d’un des nombreux divorces d’Eddie Barclay, il est cédé à son ex-épouse. Le label périclita et fut repris par Musidisc. Lors de mes premières virées à Paris, il y avait encore des indices qui rappelaient son existence, aujourd’hui il n’y a plus rien de visible.

Sources . Wikipédia, B.N.F, Street view, DP

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