En passant

Voyage début de siècle (3)

Cécile de Rodt (1855 – 1929) est une voyageuse suisse qui entreprit un tour du monde en 1901. A cette époque, le monde peut sembler encore quelque chose d’un peu mystérieux d’autant plus que certains pays sont géographiquement très lointains. Ce n’est pas une aventurière, elle ne va pas se battre contre les Indiens, mais plutôt jouer à la touriste. A la suite de son voyage paraitra un livre publiée en 1904 qui contient des centaines de photos. De quoi se faire une idée de ce à quoi ressemblait le monde au début du 20ème siècle.

Les chutes du Niagara

En 1901, on ne va pas aux USA dans le seul but de faire du tourisme, du moins très rarement. Cette activité de loisirs peut quand même intéresser les citoyens américains. L’immense étendue du pays limite un peu la distance des voyages, on fait du tourisme plutôt local. Il y a déjà des lieux qui les attirent, pour l’époque ce sont surtout des curiosités naturelles, on ne va pas encore à Disneyland ou danser au Whisky A Go-Go. Pour notre voyageuse, les chutes du Niagara font partie de la suite de son programme. Le nom est connu même en France depuis le 17ème siècle, mais alors sans délimitation géographique précise. Aujourd’hui la chute se partage entre les USA dans l’état de New York et le Canada province de l’Ontario.
Les chutes se trouvent à plus de 400 km à vol d’oiseau de New York, c’est quand même un déplacement assez conséquent. Notre aventurière le parcourt en train, même qu’elle s’enthousiasme de la vitesse du train, 80 km/h. Elle parle aussi d’un détail typique des trains américains, celui de la cloche posée sur la locomotive qui avertit de l’arrivée d’un train en gare, détail qui existe toujours. Voyons son récit.
Le State Empire m’emmenait avec une vitesse vertigineuse hors de New-York. Il fait 80 kilomètres à l’heure, arrêts compris. C’est le train le plus luxueux que j’eus l’occasion de voir en Amérique. Une petite locomotive à grandes roues malgré l’extrême rapidité de sa marche, glisse sans secousses sur les rails. Comme les barrières et les gardes-voie n’existent pas en Amérique, les arrivées sont signalées devant les gares et les passages à niveau par une grosse cloche que l’on sonne à toute volée sur la locomotive; elle réveille les échos d’alentour sans cependant incommoder les voyageurs, car ils l’entendent à peine. L’express n’a que des wagons Pullmann de première classe, dans lesquels on peut établir des lits pour la nuit; un domestique noir est chargé de maintenir l’ordre et de veiller au bien-être des passagers. Sa tâche est aisée; comme dans les restaurants, personne ne dit mot.

Je m’étais cent fois représenté le Niagara. Mais combien la réalité dépasse l’imagination. Tout est différent, plus beau, plus surprenant, plus extraordinaire! De la terrasse de Prospect Point, où je me trouve, le spectacle qu’offre la grande cataracte à l’heure du crépuscule défie toute description. Quatre jours durant, j’ai eu le Niagara sous les yeux. Je l’ai vu à l’aube, ses grandes eaux noyées dans les vapeurs du matin; dans la lumière triomphale de l’astre du jour, déversant dans l’abîme un torrent d’or en fusion; pendant les heures lourdes et suffocantes de l’après-midi, où j’entendais sa voix formidable se mêler aux sourds grondements du tonnerre; je l’ai vu encore resplendissant de la gloire ardente du couchant, rouler ses flots vermeils dans le gouffre immense, agrandi par la pénombre; et toujours j’ai ressenti avec la même puissance la magie de ce phénomène grandiose. Aucune description, aucune peinture, si vivantes soient-elles, ne peuvent donner une idée de ce tourbillon irrésistible, de cette redoutable avalanche

Il est vrai qu’aux USA tout peut paraître démesuré, pourtant les chutes du Niagara ne sont pas les plus spectaculaires ni les plus majestueuses, mais voilà elles sont américaines et cela ils savent l’exploiter. La grandeur du pays en parlant de dimensions peut se résumer à une petite histoire qui relève de la géométrie. Si toute la population mondiale décidait d’aller habiter au Texas, chacun pourrait disposer d’à peu près la dimension d’un terrain de football pour construire sa maison. Gageons que Trump ne serait pas d’accord. Il reste quand même le pays de tous les possibles, aucune idée ne leur semblera farfelue et en plus si on peut se faire du fric avec…

A suivre

Sources : Wikipédia, B.N.F, DP

4 réflexions sur “Voyage début de siècle (3)

  1. Elles ont bien changé, ces chutes ! Oh, certes, l’eau y tombe toujours, mais les alentours sont devenus… un véritable Disneyland !
    Petite précision : je ne les ai vues que côté canadien. Et la dernière fois devait être en 1992, en voyage scolaire, mais je me suis laissé dire que sur le point dont je parle ici, le temps n’a rien fait à l’affaire !

    • Hello Anagrys,

      Je n’ai jamais mis les pieds aux USA, et ce n’est pas maintenant que je vais y aller. Ceci dit le pays ne manque pas d’un certain charme sans trop aller voir tout ce qui est purement commercial. Je serais plutôt musical, aller aux sources du blues, du jazz, écouter de l’authentique folk américain ou aller me perdre dans des endroits peu fréquentés. Le choix est vaste et le Canada m’a l’air aussi intéressant, Merci du commentaire.

      Excellent week-end

      • Je ne sais pas pourquoi, je ne suis pas vraiment surpris 😁
        C’est sûr que de Chicago aux bayous de Louisiane, il doit y avoir de quoi faire un joli voyage musical ! Sans parler de la baie de Los Angeles, que j’associe plutôt au metal, même si on doit y trouver d’autres genres, ou de la Grosse Pomme pour les comédies musicales et les clubs de jazz…
        J’ai pu aller deux fois au Canada, une première en voyage scolaire en Ontario, la deuxième chez des amis à Montréal. Pour l’instant, je n’ai pas encore mis les pieds aux États-Unis… un jour, peut-être, même si notre tropisme familial nous oriente plutôt vers l’Asie !
        Très bon week-end à vous également 😊

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