Cécile de Rodt (1855 – 1929) est une voyageuse suisse qui entreprit un tour du monde en 1901. A cette époque, le monde peut sembler encore quelque chose d’un peu mystérieux d’autant plus que certains pays sont géographiquement très lointains. Ce n’est pas une aventurière, elle ne va pas se battre contre les Indiens, mais plutôt jouer à la touriste. A la suite de son voyage paraitra un livre publiée en 1904 qui contient des centaines de photos. De quoi se faire une idée de ce à quoi ressemblait le monde au début du 20ème siècle.
En route pour Yellowstone
En partant des chutes du Niagara, la prochaine étape de notre voyageuse est le parc de Yellowstone. C’est une autre attraction touristique déjà fort connue en 1901. Avoir envie d’y aller est une chose, y aller en est une autre, il y a 2500 km à vol d’oiseau entre les deux lieux. L’aventure réside sans doute plus dans le fait de s’y rendre que la visite elle même. Le début du voyage s’effectue en bateau à travers les lacs Erié, Huron Lac Supérieur, ces lacs étant reliés en eux par des canaux ou des rivières. Si vous avez un peu la géographie des USA en tête, vous remarquerez que l’on est loin de suivre une ligne droite vers l’ouest, on remonte plutôt vers le nord. Ce n’est pas complètement illogique, car Yellowstone se trouve sur une latitude plus au nord que les chutes du Niagara, dans l’état du Wyoming.
Notre voyageuse, à défaut de mitrailler avec son appareil photographique nous fait part de quelques observations.
Les enfants, qui se trouvaient en très grand nombre sur le bateau, captivèrent toute mon attention. Ces petits Américains sont infiniment plus libres d’allures que les enfants de l’ancien monde. On s’étonne d’abord de leur continuel: Je veux et je ne veux pas. Cette manifestation de la volonté de l’enfant déplaît à nos oreilles et choque nos idées européennes. Cependant, ces expressions, nous les entendons prononcer couramment chez nous par des bouches enfantines, dans lesquelles elles sont bien plus déplacées; car les petits Européens restent fort longtemps sous la tutelle paternelle. En Amérique, on élève tout autrement les enfants. Dans ce pays où les changements de fortune sont si rapides, où, d’une heure à l’autre, le millionnaire peut devenir pauvre, il faut que chacun travaille. De bonne heure, le jeune garçon s’habitue à penser à son avenir et à la manière dont il se tirera d’affaire, le moment venu. Il entre dans la bataille de la vie, alors que son frère d’Europe joue encore, et bien avant celui-ci devient homme, dans l’âpre lutte qui se livre autour de lui. C’est ainsi que l’enfant précoce acquiert une indépendance, une sûreté de maintien, une confiance en lui-même, qui forment un contraste complet avec les préjugés
de notre vieux continent.
Pour un citoyenne venue de la Suisse, il faut s’adapter aux moeurs et aussi aux dimensions américaines. Un lac comme le Lac Supérieur est en surface deux fois plus étendu que son pays. Un dormeur qui se réveillerait au beau milieu du lac pourrait se croire sur la mer. S’il tombe à l’eau, il serait encore plus étonné qu’elle ne soit pas salée. Notre voyageuse avait certainement des habitudes bien suisses en matière de nourriture. Elle fait aussi son constant en matière culinaire.
Voulant me rendre compte de la manière dont se nourrit la classe ouvrière en Amérique, je pris à Mackinac un repas dans une cuisine populaire. Pour 25 cents (fr. 1.25) on me servit un dîner copieux où même le dessert, ice cream et apple-pie, ne manquait pas. Glaces et tartes aux pommes sont des mets nationaux. La glace n’étant pas un article de luxe, mais une des exigences de la vie quotidienne aux Etats-Unis, la première de ces friandises figure sur chaque table, même sur la plus modeste. L’eau glacée est un supplément gratuit dans tous les hôtels et dans les wagons-restaurants. Quant aux pies, espèce de gâteaux aux fruits, d’une pâte sèche et coriace, ils flattèrent moins mon palais. Cette cuisine populaire était fréquentée par des ouvriers proprement vêtus, d’une tenue parfaite.
Le prix du repas mentionné, pris dans un endroit populaire et converti en francs suisses est de 1fr 25. A titre de comparaison j’ai voulu savoir à quoi correspondait ce prix par rapport à son pouvoir d’achat en Suisse. Pour base de calcul, j’ai choisi le prix d’un journal quotidien dans les deux pays en 1901. Avec le prix de ce repas, un Américain peut acheter 5 quotidiens dans son pays, un Suisse 25 dans le sien. On peut en déduire que la vie aux USA était quand même relativement chère.
La suite du voyage vers Yellowstone se fera en autocar et ce sera notre prochain épisode.
A suivre
Sources : Wikipédia, B.N.F, DP


