Nos disques mythiques (17)

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En voici un qui fit couler beaucoup de vinyle. Quel adolescent n’a-t-il pas eu envie d’acheter une guitare en l’écoutant, une Fender par exemple? C’est peut-être le rock instrumental le plus célèbre du monde, en tout cas il était difficile d’y échapper en 1960 année de sa sortie. Mais revisitons un peu son histoire…

Le compositeur du titre, Jerry Lordan, un chanteur et accessoirement compositeur, s’était déjà fait remarquer dans ce second domaine en composant un hit pour Anthony Newley, un jeune qui marchait sur les traces de Cliff Richard. Les Shadows, qui s’appelaient encore les Drifters, servaient justement d’accompagnateurs à Cliff Richard devenu une grosse vedette du rock anglais.

Jerry Lordan avait composé « Apache » et l’avait proposé à Bert Weedom un guitariste anglais qui avait eu un bon succès avec « Guitare Boogie Shuffle » en 1959. Ce dernier l’avait enregistré, mais Lordan n’était pas pleinement satisfait de la manière de traiter sa mélodie. En tournée, il rencontra Jet Harris, le bassiste des Drifters devenu Shadows, en lui jouant la mélodie sur un ukulélé.  Intéressé, il en parla avec les autres membres du groupe qui parvinrent a décider la production de l’enregistrer.

Le reste est historique, ce fut un succès monstre dans la plupart des pays et se vendit à des millions d’exemplaires. Ironie du sort, si les Shadows volèrent un hit à Bert Weedom dont l’enregistrement enfin publié, fut en concurrence avec leur version mais loin derrière, ce fut la version de Jorgen Ingman qui eut tous les honneurs aux USA. Mais sans être sectaire la version des Shadows est incontestablement la meilleure.

La publication en France se fit sous la formule traditionnelle du EP 4 titres. Il reprend la face B anglaise « Quatermaster’s Stores », un arrangement sur un traditionnel du guitariste et chef d’orchestre Bill Sheperd.  Comme on manquait un peu de matériel frais, c’est le single anglais avec « Jet Black » et « Driftin », publié sous le nom des Drifters qui complète le disque. Ce sont deux titres originaux, le premier du bassiste Jet Harris, le second du soliste Hank Marvin. Pour les collectionneurs: l’édition originale française a un label vert, les rééditions subséquentes un label rouge.

C’est un de ces disques dont les quatre morceaux peuvent s’écouter avec le même plaisir. Un de ces disque légendaires un peu plus légendaire que les autres.

Meade Lux Lewis – Meade in boogie-woogie


On ne peut pas parler de Meade Lux Lewis sans parler de boogie-woogie. Ses origines sont assez obscures. Les historiens musicaux s’accordent pour dire que le style est né au tournant du 20ème siècle aux Etats-Unis, probablement dans les états du sud. Plus que le style, c’est la paternité du nom qui est très difficile à attribuer. On peut considérer que le piano est l’instrument de base qui a servi à établir sa popularité, c’est encore de nos jours un style plutôt pratiqué sur le piano. Autre fait insolite, les noirs s’approprient un instrument qui est bien une invention blanche, car il ne fait de doute que le boogie-woogie est une musique d’origine noire américaine. Imaginons un musicien noir qui se trouve devant un piano et qui se demande ce qu’il pourrait bien faire avec cet instrument. Etant peu réceptif aux sonates de Beethoven, plus féru de rythme que de mélodie, il y va de sa manière en insufflant un peu de ses racines sur le clavier. C’est bien sûr une hypothèse, mais peut-être pas si absurde que cela.
Autre création typiquement noire, le jazz a lui aussi ses diverses origines et styles, le boogie-woogie en fait partie. Au fil des rencontres, des échanges, des influences, la musique évolue sans jamais prendre un forme définitive, elle servira à d’autres pour en faire une nouvelle tendance. Ainsi va la musique, rien n’est définitif.
Ce n’est que dans les années 20, quand le phonographe deviendra populaire, malgré tout un objet de luxe pour l’époque, que l’on peut vraiment commencer à dater les choses. Le style, à défaut du terme, se retrouve sur quelques 78 tours de l’époque en tout au début de la décennie. Ce n’est qu’en 1928 que Pinetop Smith enregistre ce qui va devenir le premier hit du style « Pinetop Boogie Woogie », suivi de près par « Honky Tonk Train Blues », par justement Meade Lux Lewis. C’est un Noir, né à Chicago en 1905. Pianiste de formation à l’origine, il pratique son art au gré des concerts et en 1927, il enregistre pour Paramount son fameux titre. Le succès ne sera pas immédiat, le disque sort seulement en 1929, il mettra même un certain temps à l’établir comme une star. Ce terme est à prendre avec réserve, car la ségrégation n’est pas encore une utopie à cette époque. Gageons que le public blanc averti admire plus ou moins secrètement cette musique. Pendant une dizaine d’années il sera très populaire, évoluant son style sur des instruments comme le clavecin, ainsi que des formes orchestrales qui vont du soliste au big band. Nombres de titres de son répertoire sont des compositions personnelles, mais tournant autour du boogie-woogie. Le déclin commercial du style marquera un pas dans sa célébrité, mais jamais comme source d’inspiration.
Le rock and roll des années 50 marquera un renouveau et le grand Jerry Lee Lewis en sera un des principaux artisans. De nos jours, cette musique est toujours très populaire, sous diverses incarnations. Musique destinée à mettre de l’ambiance avant tout, elle arrive à rallier les jeunes comme les moins jeunes.
Meade Lux Lewis est mort dans un accident de voiture en 1964, bien que son décès ne fut pas un événement mondial, il a marqué à jamais l’histoire de ce style. Il en fut un des détonateurs et personne ne le conteste.

Des tendances et évolutions plus modernes de cette musique, chronologiquement et en résumé…

Andrews Sisters – Boogie Woogie Bugle Boy (1941) – Une des manières de présenter cette musique à un public de race blanche

Arthur Smith – Guitar Boogie (1948) – La premier célèbre titre joué à la guitare

Bill Haley & Comets – Birth Of The Boogie (1955) – La première star du rock and roll, non, non, historiquement c’est pas Presley

Jerry Lee Lewis – Lewis Boogie (1956) –  il fut toujours très lié au boogie-woogie

The Shadows – Shadoogie (1961) – Le son typique du début des années 60, on s’éloigne de la tradition

Savoy Brown – The Boogie (1969) – On s’éloigne encore un peu plus, les artifices de la pop revisitent le  vieux style

Un artiste Français, un grand virtuose du piano est certainement l’un des meilleurs représentants actuels de cette musique