Les Dakotas, de gauche à droite sur la photo: Robin MacDonald (1943- †2015), rhythm guitar; Mike Maxfield (1944 -), lead guitar; Tony Mansfield (1943 -), drums; Ray Jones (1939 -†2000), bass.
Les Shadows ont largement dominé le style instrumental anglais au début des années 60. Leur suprématie ne fut que mise en doute par les Tornados et leur fameux « Telstar », et par deux anciens membres des Shadows justement, Jet Harris et Tony Meehan, qui cartonnèrent avec « Diamonds ». Les groupes instrumentaux furent cependant nombreux. On peut se souvenir de Nero et les Gliadators et les Krewkats, dont deux moutures servirent plus tard d’accompagnateurs pour Dick Rivers, ainsi que pour les premiers, de Bobbie Clarke, un très grand batteur qui atterrit par d’autres chemins dans les Playboys de Vince Taylor et récupéré ensuite pour Joey et les Showmen de Johnny Hallyday. Pour ceux qui marquèrent encore un peu l’histoire du genre, les Hunters et les Cougars qui popularisèrent cette fameuse adaptation du Lac Des Cygnes de Tchaïkowsky, devenu « Saturday Night At Duckpond ». Voilà pour l’essentiel, mais venons en détail sur un groupe qui fut instrumental par la bande, les Dakotas.
En 1963, 64, George Martin est un producteur heureux. Entre autres, il s’occupe des Beatles, de Gerry et les Pacemakers, ainsi que de Billy J Kramer et les Dakotas. Ces trois formations s’arrachent littéralement la première place du hit parade anglais, un tas de fois pour les premiers, trois fois pour les seconds, 2 fois pour les troisièmes, sans compter les numéro deux. Il peut orchestrer savamment la sortie des disques, attendre que le succès de l’un se tarisse pour en proposer un autre, cela marche presque à tous les coups. De plus, il accapare des compositions originales rejetées par les Beatles pour les refiler aux autres, même certaines dont ils sont les compositeurs.
De ces trois formations, Billy J Kramer et les Dakotas furent les moins populaires, tout en gardant à l’esprit que leur succès fut grandiose, mais ils durent se contenter d’un succès plus modeste ailleurs qu’en Angleterre. Ce sont aussi eux qui composent un ensemble fait de deux moitiés. Bien que toujours crédités ensemble, il y a d’un côté le chanteur et de l’autre le groupe d’accompagnement. Cela a sans doute décidé George Martin de tenter en parallèle une carrière pour les accompagnateurs, comme ce fut le cas pour Cliff Richard et les Shadows.
Cela va amener les Dakotas à faire une première tentative en solo avec un disque instrumental composé par le guitariste soliste Mike Maxfield, « The Cruel Sea », couplé à « The Millionnaire ». A l’écoute on est surpris par l’originalité du son, cela sonne assez différemment de ce que l’on entend dans le genre au même moment. Le secret, qui n’en est pas un, c’est de jouer simultanément la mélodie au piano et à la guitare. On retrouvera ce son dans certains titres de Billy J Kramer, Le succès est modeste, mais quand même là, le titre se classe à la 18ème place du hit parade. Edité aux USA, on en change un peu le titre et il devient de « The Cruel Surf » pour être en phase avec la mode musicale. Mais le titre pourra acquérir toute sa notoriété grâce à la reprise des Ventures, qui le mettent sur la face B de leur gros succès « Walk Don’t Run’ 64 ». Il obtient ainsi un audience inattendue, qui va le hisser à la hauteur d’un classique presque incontournable de la guitare. En France, le titre fut repris par Michel Cogoni et Frank Farley (Canada), « Oublie Qu’elle Est Si Belle ». Il fut aussi au programme, en instrumental, du dernier EP des Champions avec Claude Ciari. Pour l’original, il est couplé avec deux succès de Billy J Kramer sur un EP Odeon.
Pour la suite, George Martin leur refile une composition originale « Magic Carpet » avec une autre production du groupe « Humdinger ». Cette fois-ci, il n’y aura qu’un moindre retentissement, le disque ne se classant pas. Parlophe sort alors un 4 titres « Meet The Dakotas », réunissant les deux disques sous la fameuse référence catalogue numéro 8888. Il est présenté avec cette pochette assez marrante, les membres classés par ordre de grandeur et tendant la main. Ce montage est fixé dans l’oeil de milliers de fans des sixties qui peuvent le reconnaître de loin.
Pour les amateurs de la chose instrumentale, c’est une pièce maîtresse qu’ils se doivent de posséder sous une forme ou un autre, les pièces originales, surtout le 4 titres, étant assez difficiles à dénicher. Mais les rééditions sont nombreuses, voire innombrables, tout autant que les reprises. Le groupe tourne encore, mais il ne reste aucun membre de la formation originale.
Quoi qu’il en soit, je navigue sur cette mer depuis plus de 50 ans et je n’ai pas le mal de mer…