Second Earth, un concert dans les étoiles

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Les rues de Paris peuvent ruisseler d’ennui. Au gré de leurs pas, les fantômes qui hantent toujours les souvenirs du chaland qui passe, vont et viennent dans un silence presque absolu. Paris, la ville qui a tressé des colliers d’étoiles à celles et ceux qui furent elles-mêmes des étoiles, les allume encore ou les éteint selon son bon gré, dont nul ne peut deviner ce qu’il glorifiera dans un futur proche ou lointain.

Une petite rue en pente, sortie d’un film qui ressemble à un plan de Renoir, un bistrot qui fait l’angle d’un pâté de maisons, c’est le café des Trois Arts. C’est le genre d’endroit où l’on aime imaginer les débuts modestes de Brel ou Brassens. Diable, c’était il y a bien longtemps, mais maintenant on ne joue plus de la guitare comme ils le faisaient, les guitares sont électriques, spatiales. Entrons pour voir, l’oreille aimablement attentive aux bonsoirs et bienvenues des mélomanes en attente d’un probable festin.

Second Earth, une Terre de rechange pour musiciens blasés de manger la soupe tiède et fade des grands mouvements médiatiques que distillent les ondes des médias vendus aux profits. C’est bien ainsi que je les imagine. Je les connais un peu par ces petits bonheurs que brasse le hasard du virtuel. Le virtuel devient réalité et je plonge dans cette eau tiède et bienfaisante qui annonce l’apaisement des fièvres de l’envie des découvertes prometteuses.

Comme les trois mousquetaires, ils sont quatre, arborant des instruments qui veulent venger la médiocrité à laquelle ils s’excusent de ne pas sombrer. Un tout qui s’harmonise entre chaque membre, pour le meilleur de l’auditeur. Bien sûr, le point focus c’est Stéphan Chraïbi, multi instrumentiste et roi des cordes qu’il manie comme un six coups avec l’aisance d’un tireur qui plante sa balle au centre d’un dollar jeté en l’air. Plutôt étonnant, un guitariste qui allume ses riffs avec le visage paisible d’un promeneur du dimanche contemplant un paysage calme, mais il le fait. Cela pourrait sembler mission impossible pour les autres de suivre pareil cavalier lancé au galop, mais ils y parviennent sans coup férir. Les autres, c’est Jean-Philippe Dupeyron, claviers; Mohammed Ben Gara, basse; Philippe Girardin, batterie.

Entre une musique qui coule de l’Espagne, de l’Arabie, des courants du jazz-rock et de ses noms légendaires, les compositions sont personnelles, fouillées, explorant un univers personnel et enrichissant pour l’auditeur. Second Earth, c’est ça et bien d’autres choses encore.

Ce 2 février 2014, une étoile pas tout à fait inconnue a brillé dans le ciel de Paris, une étoile peut-être modeste par sa grandeur, mais qui ne fait que confirmer l’intensité de son éclat. Ce Paris qui ruisselle parfois d’ennui, avait son étoile qui guidait vers les petites rues qui sont sont des avenues du plaisir. A découvrir absolument!

LE SITE DE SECOND EARTH

Nylon Jazz Cool

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Pour moi, la musique qui symbolise le plus une paire de bas nylon sur les jambes d’une dame, c’est le jazz et aussi  le rock and roll.  Si j’ai trempé dans le rock and roll très vite, je suis né avec, le jazz a mis plus longtemps à s’imposer dans mon esprit et surtout dans mes goûts. Le jour où j’ai enfin compris que sans le jazz, le rock and roll n’existerait pas. De même que si les races  blanches et noires ne s’étaient pas mélangées, le jazz n’existerait peut-être pas, du moins il aurait mis plus de temps à naître.  Ce qu’il y a de merveilleux dans la musique quand on s’y intéresse d’un peu plus près que la simple écoute, on y trouve des physionomies qui sont l’équivalent d’un croisement de race, comme un enfant qui aurait la peau chocolat à la suite d’un mélange entre un couple noir et blanc. Quand on écoute de la musique celtique, il est évident que certaines chansons ont des influences arabes, pas partout mais ça existe. Ces peuples qui furent des grands navigateurs ont sans doute mélangé la musique par musiciens interposés lors de rencontres fortuites et culturelles. Pour moi, il n’y a pas de musique supérieure à une autre, elles ont toutes leurs charmes.  La seule chose que je permets, c’est d’en apprécier certaines plus que d’autres.

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Le décor étant posé, revenons au jazz. Ce qui peut m’épater le plus dans cette musique, c’est la grande part d’improvisation qu’elle peut avoir. C’est aussi une musique très coup de coeur, j’aime ou n’aime pas, sans détester. Je considère Sydney Bechet comme quelque chose d’aimable, sans lui dénigrer ses qualités de musiciens. De même, quand je vois des jeunes d’aujourd’hui s’intéresser au jazz rétro, ils sont d’abord attirés par les grosses ficelles, Glenn Miller, Benny Goodman, musiques que je considère assez légères, pas inintéressantes, mais qui s’écoutent avec une certaine facilité. C’est unh début qui peut être suivi de belles trouvailles. Il en va tout autre pour le tout premier disque de jazz que j’ai possédé au début des années 70. Si vous avez le courage de l’écouter, allez-y, il s’agit d’un disque de Archie Shepp avec Philly Joe Jones, « The Lowlands », enregistré par ailleurs en live à Paris. C’est du free jazz, complètement déjanté, pas mélodieux pour u sou. Je me suis dit que si le jazz avait pu accoucher d’un « bordel » pareil, la base devait être une étude intéressante. Plus étrange encore, quand j’ai écouté cette musique, j’ai vu défiler dans mon esprit des images de ghettos, de misère. Quand j’ai pris la peine de lire les notes de la pochette, il était mentionné que la musique faisait allusion à cela. Comme quoi la musique peut parler à l’esprit. Petit à petit, j’ai remonté le temps et j’ai découvert des noms comme John Coltrane, Charlie Parker, Charles Mingus, Chet Baker, Miles Davis, qui font partie de ce que j’écoute maintenant, quand j’écoute du jazz.

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Quand je disais plus haut que le jazz est pour moi une vision de jambes en nylon, je suis assez près de la vérité, du moins celle qui m’est propre. Quand j’écoute le saxo de Coltrane ou Parker, la trompette de Baker, la basse de Mingus, je vois volontiers un défilé de jambes en nylon. Des jarretelles qui pointent sous l’épaisseur d’une jupe, des coutures qui montent droit vers les brouillards vaporeux d’un culotte cachée dans l’ombre d’une robe. Des talons qui martèlent la nuit d’une rue aux pavés mouillés, luisants de la lueur d’un réverbère. Des talons qui vont à la rencontre d’une main fiévreuse qui cherchera la bosse d’une jarretelle qu’elle sait présente. Comme Ferrat chantait: « Le jazz ouvert dans la nuit et sa trompette qui nous suit dans une rue de Paris, c’est beau la vie ».

Je vous propose une petite vidéo avec une musique de fond jazzy, que j’ai mise en notes.

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Django Reinhardt, la guitare dans les nuages célestes

Le centenaire de sa naissance nous amène presque naturellement à parler de celui qui fut un des premiers guitar hero du siècle passé. Son apport musical est énorme, il a influencé les générations suivantes même s’ils ne sont pas à proprement parler des jazzmen.
Né Jean Reinhardt en 1910, dans une famille nomade qui se trouve en ce moment là en Belgique. Son enfance est celle des voyages à travers l’Europe, sa famille fuit la guerre et finit par se fixer à Paris. A dix ans il s’intéresse au banjo et devient vite un expert en dextérité. Avant d’adopter finalement la guitare, il essaye aussi le violon. Adolescent il court les cachets, avant d’impressionner un accordéoniste, Jean Vaissade qui lui donne l’opportunité de figurer sur un premier disque en 1928. Il ne sait par ailleurs, ni lire, ni écrire. Un accident malencontreux le brûle à la jambe droite et à la main gauche, dont il perd l’usage de deux doigts. D’après les médecins, il ne pourra plus jouer de guitare. Faisant fi de leur diagnostique, il commence un longue rééducation et finit par réussir le miracle, il retrouve toute sa maestria, malgré son infirmité. Très vite, il se bâtit une nouvelle réputation avec notamment Stéphane Grapelli. Avec ce dernier, il fondera le Hot Club de France, un orchestre de jazz qui tournera en Europe jusqu’à la guerre, enregistrant de nombreux disques. En 1940, il enregistre son titre le plus célèbre « Nuages » avec la complicité de Hubert Rostaing. Il passe la guerre en France, tandis que Grappelli séjourne en Angleterre. Très attentif à l’évolution musicale, il propagera avec quelques uns l’invasion du be bop, dès la fin de la guerre. Le Hot Club reprend les tournées. En 1946, il effectue une tournée aux USA et joue avec Duke Ellington. Par le peu d’exposition que lui donne Ellington, il est déçu de cette tournée. Il est pourtant très bien accueilli par le public, car il est pratiquement la seule vedette de jazz qui n’est pas américaine et qui peut rivaliser avec ces derniers, chose qu’il admettent en toute sincérité, sans fausse modestie. De retour au pays, il continue les tournées avec l’orchestre, démontrant qu’il est toujours à l’avant garde du jazz, tant son jeu est innovateur et inspiré. Eddie Barclay, alors débutant dans le métier, sera parmi les derniers à capturer en studio toute sa fougue dans huit titres qui deviendront légendaires. Le 16 juin 1953, il meurt prématurément d’un hémorragie cérébrale, alors qui est toujours en pleine gloire.
Parler de Django est un acte un peu inutile, j’ai résumé l’essentiel. C’est un musicien qui s’écoute et pour autant que l’on comprenne un peu la musique, il ne reste que l’extase devant le résultat. Un homme illettré, qui n’a jamais su lire une partition, a donné une immense baffe au monde du jazz. Son nom, sa légende, intacte après toutes ces années, est prête à traverser les siècles. Les noms légendaires sont nombreux, mais une petite poignée a fait cette légende, il en fait partie. Tant de monde l’interprète en espérant qu’un brin de son génie rejaillira sur eux.

Ses enregistrements sont nombreux, pléthoriques. Selon les époques, ils appartiennent à diverses tendances. Il y a le soliste et l’accompagnateur, le rôle est différent, mais d’un génie égal. Plutôt que celui-ci ou celui-là, le tout est à découvrir selon son désir.

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