Johnny, hommage d’un passant de la génération perdue

Je ne vais pas jouer les pleureuses, c’est pas mon style. 

Les gens de mon âge ont tous été confrontés à ce phénomène unique dans l’Hexagone. Nous avons tous un souvenir avec lui. Elles peuvent s’appeler Michèle, Anne, Evelyne, elles se sont toutes invitées au bal qui faisait battre notre coeur plus fort. Sans doute dans nos bras elles pensaient à Lui, mais on s’en foutait, c’est nous qui menions la danse à l’ombre de ce géant dont nous glanions les mots sortis de sa bouche pour nos petites amourettes, pour trouver le monde un peu moins con…

De l’idole des jeunes que tu étais pour nous, tu as réussi à nous emmener avec toi jusqu’à ta vieillesse, la nôtre également. Nous t’en remercions sincèrement et te souhaitons une vie éternelle, ici c’est déjà une certitude, ailleurs on ne sait pas…

Mourir ce n’est pas disparaître, c’est juste cesser de paraître…

En 1965, un soir à la radio, j’ai entendu une jeune fille dire ceci…

 – La chanson que je préfère c’est Johnny qui chante ça… 

Salut des copains !

Le Golf Drouot en disques

Liverpool a eu sa Cavern, la France a eu son Golf Drouot. Il fallait bien un temple pour organiser la venue, assez tardivement, du rock and roll en France. On sait que de très grand noms sont sortis de ce lieu après l’avoir hanté. Pour n’en citer qu’un, Johnny Hallyday. Son histoire est à peu près connue de tous les fans des années 60, spécialement ceux qui l’ont fréquenté. 

Pas mal de monde a profité de sa renommée pour aguicher un public de jeunes dans l’intention de lui vendre quelque chose, la marketing n’est pas une invention nouvelle. Devenu l’endroit à la mode, tout ce qui pouvait se rattacher à son nom pouvait faire rêver. Des garçons en cuir noir qui draguaient des filles qui portaient des bas Golf Drouot (ça a existé), il y en a eu sans doute des centaines. 

Monsieur Barclay en homme d’affaires avisé ne pouvait pas passer à côté de cela. Il est à la tête du plus grand label indépendant que la France aie compté et qui porte son nom. Mais à côté, il y a une multitude de sous labels qui gravitent autour de la maison mère, Riviera, Bel Air, pour les principaux. Il est aussi le représentant exclusif pour les licences de grandes maisons anglophones comme Atlantic, Chess. C’est presque naturellement qu’il décide d’exploiter le nom du Golf pour en faire une nouvelle étiquette et enregistrer des artistes qui ont gagné leur réputation en se produisant sur la scène devenue célèbre, le tremplin comme cela s’appelait. Son idée était sans doute de découvrir une vedette aussi grosse que le Johnny national. L’histoire ne dura que deux petites années et une douzaine de publications, entre 1963 et 65. D’autres maisons feront aussi référence à l’endroit, mais Barclay détient la seule qui arbore le nom comme marque propre.  C’est justement de cette discographie que nous allons parcourir.

Golf Drouot 71 001 – Les Jumelles – Rendez-vous jeudi.

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Deux frangines, jumelles comme le nom l’indique, inaugurent le label. Elles étaient parait-il, vendeuses de pompes dans un magasin avant de partir sur le chemin du vedettariat, du moins tenter le coup. Ce n’est pas à proprement parler un succès ni même très attachant musicalement, bien que vocalement plutôt bon. Le plus drôle est encore la conception de la pochette avec son effet miroir. Elles enregistreront encore deux disques pour un autre label, Barclay ne semblant trop enclin à leur offrir une seconde chance.

Golf Drouot – 71 002 – Les Aiglons – Stalactite

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Incontestablement la meilleure réussite du label, celui qui est encore le plus dans les mémoires. Cinq garçons mineurs venus de Lausanne en Suisse tentent leur chance crânement. Ils sont même plutôt doués. Ils fonctionnent en groupe instrumental, les Shadows sont encore très présents. Ils bénéficient de la présence de Ken Lean, un compatriote aux dons d’arrangeur évidents. Le titre principal « Stalactite » est une pure merveille de son et quelque chose de bien original pour l’époque, différent de l’habituelle inspiration à la Shadows que tout le monde veut alors imiter. Le réussite sera magnifique, le titre est un succès dans plusieurs pays et il entre même dans les charts américains. Le groupe est rebaptisé Eagles pour sa publication par le label Smash. C’est le seul titre du label dont la vente peut se mesurer en centaines de milliers d’exemplaires en tenant compte des nombreuses rééditions successives, 4 à ma connaissance.

Golf Drouot – 71 003 – Ron et Mel – Kansas City

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Deux frangins anglais assez globetrotters font une escale en France, le temps d’enregistrer un disque pour ce label et un autre pour Decca. Ils ont laissé quelques souvenirs. Mel Williams est encore aujourd’hui très connu et apprécié dans les pays anglophones. 

Golf Drouot – 71 004- Les Aiglons – Panorama

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C’est de nouveau les Aiglons. Il faut  savoir que le label ne publie pas un disque toutes les semaines, ce qui explique que celui-ci est proche du premier selon le numéro de catalogue. Toutefois après le succès du précédent, Barclay est pressé de remettre une compresse.  Le groupe l’avouera bien volontiers, ils auraient voulu le préparer avec plus de soin. Entraînés dans une tournée à travers plusieurs pays, il est plutôt enregistré sur le tas. A l’époque, les temps de studios d’enregistrement sont quasiment minutés. Quand on est encore sous la magie de « Stalactite », il est moins aisé de retrouver un équivalent  parmi les quatre titres proposés. Mais ce n’est pas pour autant un désastre, le style « aiglon » est bien présent. Ce sera encore une bonne vente  et probablement la deuxième en terme de quantité et de licence internationales parmi toutes les publications. 

Golf Drouot – 71 005- Moustique – Je Suis Comme Ca

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Il est encore aujourd’hui une authentique légende du rock and roll rattachée au Golf Drouot. Il n’a jamais renié sa foi envers cette musique. C’est presque naturellement qu’il figure sur ce label, nous pourrions dire pour son plus grand malheur. Il avait un potentiel certain que Barclay ne sut pas ou ne voulut pas exploiter. Ce premier disque assez bien achevé fut un de ceux qui se vendit honorablement et un des trois artistes du label qui est honoré de plus d’une publication. C’est un rock and roll plus version années 60 que années 50, ce qui n’enlève rien à son charme. Ce qu’on peut lui reprocher, un manque total de compositions originales, mais dans ce domaine Moustique est très loin d’un cas isolé.

Golf Drouot – 71 006- Christophe – Reviens Sophie

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Oui c’est bien le Christophe qui enregistra « Aline », le seul qui deviendra une star après avoir passé par les disques Golf Drouot. Toutefois, ce n’est pas ce disque qui lancera sa carrière, il est assez confidentiel dans sa discographie. Chistophe n’a jamais caché sa passion pour le blues et cela est très audible sur ce disque, trois originaux et une reprise. Sa carrière est longue, avec des hauts et des bas, incontestablement  ce disque fait partie des hauts.

Golf Drouot – 71 007- Les Doodles – Reviens Sophie

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Excellent groupe qui servit d’accompagnateurs et de compositeurs pour le disque de Christophe exploite ici le style instrumental. On trouve dans leurs rangs Michel  Delancray, qui deviendra un compositeur à succès pour un tas d’artistes, Pascal Danel,  Eric Charden, Dalida, Dick Rivers. C’est encore un de ces disques libellé Golf Drouot pas facile à dénicher.

Golf Drouot – 71 008 – Marijan – La Course Folle

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Revenons indirectement aux Aiglons. Interprété par Marijan, futur Michel Orso et son tube « Angélique », « La Course Folle » n’est autre qu’une version vocale de « Stalactite ». Si cet arrangement n’a pas la saveur de l’original, c’est quand même assez plaisant. Nous retrouvons également les Doodles qui servent d’accompagnateurs, ainsi que deux titres de leur disque instrumental transformés en version vocale. C’est certainement l’un des plus difficiles à dénicher en copie originale, c’est d’ailleurs la seule issue possible, car il n’existe pas de réédition. 

Golf Drouot – 71 009 – Les Aiglons – Tennessee


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Revoici les vedettes du label dans un disque assez plaisant surtout pour « Troïka » qui marche assez bien sur les traces de « Stalactite ». Le succès ne sera pas vraiment au rendez-vous pour ce disque. Petite consolation le titre « Sunday Stranger », une reprise, servira d’indicatif pour une émission de radio « Bal 10-10 ». 

Golf Drouot – 71 010 – Les Vicomtes – Oui C’est De Toi 

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Ce disque est une spécialité. Initialement publié sur Barclay, il est repris pour le label Golf Drouot ou l’inverse. Il y a des bizarreries dont on ignore la raison. Ce groupe, un septet, a une approche plus jazz que yéyé, mais qui préfigure la tendance qui venir un peu plus tard avec le r’n’b. Ils furent les vainqueurs de la Guitare d’Or à l’Olympia en 1963. Ironiquement ce n’est pas l’instrument le plus présent dans leurs titres. 

Golf Drouot – 71 011 – Moustique – Joy Joy Joy23  072415-3

Seconde et dernière apparition de Moustique. Construit sur le même principe que le précédent avec quatre adaptations, Little Richard, Eddie Cochran, Ronnie Hawkins, Ritchie Valens. En qualité c’est égal au précédent, mais au niveau ventes c’est nettement en retrait, il n’atteint que 5 à 10% des ventes du premier, ce qui le rend bien plus difficile à trouver en original. Il faut bien prendre en considération que la jeunesse d’alors s’intéresse plus aux Beatles et aux Rolling Stones qui émergent. Coller des paroles françaises sur des rocks américains fait déjà un peu ringard. Malgré tout, Moustique ne cessera jamais de chanter du rock et d’enregistrer encore quelques titres dont un CD autoproduit. Jamais vraiment entré complètement dans l’ombre, il lui arrive encore de se produire dans des salles bien remplies. C’est une des piliers du temple du rock français.

Golf Drouot – 71 012 – Les Aiglons – Rosko

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Le disque certainement le plus bâclé des Aiglons. Pas tellement pour son contenu assez écoutable, mais par le manque d’enthousiasme de la production. Ce n’est pas visible à première vue ou écoute, mais il y a quelques changements. Ken Lean a  été viré de chez Barclay et la formation n’est plus celle dont on avait presque l’habitude. La photo de la pochette ne tient aucun compte de ce changement. De plus, 2 titres sont inversés. Ajoutons que la promotion a été quasi inexistante. C’est leur chant du cygne, le groupe se sépare et un seul restera musicien professionnel.

Golf Drouot – 71 013 – Les Night Rockers – I Can Tell

Golf Drouot – 71 014 – Les Night Rockers – Dance To The Rock

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Ce sont les deux disques du label qui ont résolument une optique anglophone. Pour cela, il a fallu qu’un groupe belge assez dans la lignée des Rolling Stones, vienne se produire au Golf. Musicalement et scéniquement assez remuants, c’est peut-être ceux qui on le plus risqué de démolir le club lors d’un concert, pour le moins les spectateurs sont subjugués. Dans la foulée ils enregistrent deux disque pour le label, entre originaux et reprises. Assurément de l’excellent matériel qui peut rivaliser avec les anglais de l’époque, surtout avec un chanteur qui chante très bien dans cette langue. On peut regretter que le premier ait été assaisonné d’un faux public avec une introduction d’Henri Leproux. Certainement les plus recherchés par les collectionneurs étrangers.

A ma connaissance, la liste des publications s’arrête ici, Barclay n’a pas continué d’exploiter ce filon, qui je crois n’était pas bourré de pépites, vu sous l’aspect financier. Sur une quinzaine de publications, une a été un réel succès, les Aiglons et « Stalactite ». Moustique pour son premier disque arrive sans doute second ex-acquéo avec les Aiglons pour leur deuxième. Les autres n’ont sans doute pas dépassé les quelques copies vendues auprès de ceux qui fréquentaient le Golf, et encore je me demande quel était leur argent de poche, ou ce qu’il leur restait après avoir acheté les disques des idoles plus en vue. La difficulté à trouver certaines publications est là pour en témoigner. 

Le catalogue a quand même été exploité par la suite. Dans les années 70, une compilation en album comprenant les Aiglons, Moustique, les Night Rockers, « Les Folles Années Du Golf Drouot », 33 tours Barclay. Au début des années 80, un 33 tours 25 cm Barclay, avec les Aiglons, 2 premiers disques et Moustique, premier disque. Les quatre titres de Christophe peuvent se trouver sur le « Disque D’Or » paru en 1976 chez Barclay. A l’heure actuelle et en CD, on peut trouver les Aiglons et Moustique en intégrale du label Golf Drouot. Les titres de Christophe peuvent se trouver sur le CD « Les Trésors Cachés » de 1997. 

Rock and roll, entre vintage et revival

Quand le rock and roll s’apaisa à la fin des années 50 et celui où il renaîtra une bonne dizaine d’années plus tard, il ne cessa pas d’exister. Il y avait les déjà nostalgiques, quelques uns qui le trouvaient un rien ringard, ceux qui le revisitaient à leur manière. Quand Liverpool devint une ville à la mode via les Beatles et autres concurrents, il faut bien s’imaginer qu’ils tournaient autour de la vingtaine d’années et avaient surtout écouté jusque là du… rock and roll. Pour se faire la main, ils en jouaient aussi. Quand arriva l’heure de signer les contrats d’enregistrements, les plus  habiles avaient quelques compositeurs dans leurs rangs et ne devaient rien à personne pour trouver la formule qui fera un hit. Les autres puisaient dans le répertoire déjà existant et aménageaient tant bien que mal une chanson plus ou moins connue pour lui donner une teinte, un son, plus moderne. Pour une grande partie, les classiques du rock and roll en firent partie. Même ceux qui étaient capables de faire leur propre cuisine ne dédaignaient pas de temps en temps de mettre sur un de leurs disques une chanson de rock. Les Beatles (Roll Over Beethoven), les Rolling Stones (Carol) firent même de gros hits avec cette formule. Nous allons visiter quelques unes de ces reprises ou créations inspirées qui virent le jour dans les années 60, parmi celles qui me paraissent intéressantes. Nous allons voir comment certains artistes virent la chose, parfois en lui donnent un air nouveau, parfois en restant dans une certaine tradition, mais c’est toujours du rock and roll, avec parfois dix ans de décalage dans le temps.

Les Beatles enregistrèrent pas mal de classiques, j’en ai choisi deux puisés dans le répertoire de Little Richard et Larry Williams . Ils furent de grands compositeurs en la personne de Lennon et McCartney, mais aussi de grands interprètes

Les Rolling Stones furent moins traditionnels comme en témoignent leurs emprunts à Buddy Holly et à Dale Hawkins

Les Swinging Blue Jeans furent, du moins au début, un groupe essentiellement rock and roll. Un peu en manque de répertoire original, ils obtinrent deux gros hits en reprenant « Hippy Hippy Shake » de Chan Romero et « Good Golly Miss Molly » de Little Richard. Leur discographie est parsemée de bonnes reprises. Un bon jeu entre guitariste rythmique et soliste insuffle un certain punch à ces titres remis au goût du jour pour plaire à une presque nouvelle génération.

Avant que le rock and roll devienne une musique parodique dans certains courants, on peut dire sans exagérer que les premiers à faire ce genre de truc furent les Tornados en 1963. Forts des millions d’exemplaires qu’ils vendirent de leur fameux « Telstar », leur producteur Joe Meek, pouvait se permettre de leur faire faire ce genre de truc. Pas inusable, mais bien un changement dans la manière de revisiter ses classiques.

Ancien bassiste des Tornados, Heinz les quitte pour enregistrer un album en hommage à Eddie Cochran d’où sortira le hit « Just Like Eddie », toujours sous la houlette de Joe Meek. Le son est résolument plus moderne. A noter la présence d’un certain guitariste Ritchie Blackmore, 18 ans au garrot, qui sera membre de Deep Purple à l’âge adulte.

Les Américains après le rock and roll aiment le surf. Bon prétexte pour revisiter les classiques en son de guitare surf. Ici les Astronauts qui surfent sur le « Linda Lou » de Ray Sharpe.

Les Beach Boys ou comment piquer une fille de seize ans à Chuck Berry

Pour leur premier disque les Kinks choisirent une reprise de « Long Tall Sally » une des plus célèbres filles du rock and roll. Avant de devenir un acte majeur dans les sixties et Ray Davies un compositeur admirable, ils réécrivent presque ce classique. Ce fut un plantage complet, mais au titre de l’originalité assurément une réussite complète.

Apparemment à Liverpool on aime toujours de temps en temps faire un titre qui sonne plutôt traditionnel et qui chauffe. Les Merseybeats, groupe spécialisé en ballades, le démontre fort bien.

Les Yardbirds sont un bon exemple des ces gaillards qui écoutaient du rock and roll étant adolescents et qui ne pouvaient pas manquer de s’y intéresser pour l’interpréter autrement qu’en copie carbone. Avec un fameux Eric Clapton à la guitare, leur reprise de Too Much Monkey Business » de Chuck Berry est bien différente, ce n’est pas du pur rock. Il y a toutefois un point qui reste dans l’interprétation et qu’ils n’ont pas effacé, ça chauffe comme un bon vieux rock and roll.

Rocker anglais malchanceux, Lee Curtis trouva en Allemagne le moyen de nous laisser quelques traces discographiques, surtout en Allemagne, assez remuantes et de nous montrer qu’il avait une voix à la Presley, son idole.

En 1967, il manqua peu à Jerry Jaye pour faire d’une chanson de Fats Domino « My Girl Josephine », un tube mondial. Une belle manière de faire du neuf avec du vieux. Entre rock and country, un rocker tardif mais intéressant.