Johnny, hommage d’un passant de la génération perdue

Je ne vais pas jouer les pleureuses, c’est pas mon style. 

Les gens de mon âge ont tous été confrontés à ce phénomène unique dans l’Hexagone. Nous avons tous un souvenir avec lui. Elles peuvent s’appeler Michèle, Anne, Evelyne, elles se sont toutes invitées au bal qui faisait battre notre coeur plus fort. Sans doute dans nos bras elles pensaient à Lui, mais on s’en foutait, c’est nous qui menions la danse à l’ombre de ce géant dont nous glanions les mots sortis de sa bouche pour nos petites amourettes, pour trouver le monde un peu moins con…

De l’idole des jeunes que tu étais pour nous, tu as réussi à nous emmener avec toi jusqu’à ta vieillesse, la nôtre également. Nous t’en remercions sincèrement et te souhaitons une vie éternelle, ici c’est déjà une certitude, ailleurs on ne sait pas…

Mourir ce n’est pas disparaître, c’est juste cesser de paraître…

En 1965, un soir à la radio, j’ai entendu une jeune fille dire ceci…

 – La chanson que je préfère c’est Johnny qui chante ça… 

Salut des copains !

Vers une autre chanson française -2-

Suite de la première partie avec trois dames pas très conventionnelles

Colette Magny

On ne peut ignorer la présence de Colette Magny (1926-1997) dans la chanson française. Voix grave sur des textes engagés, elle ne dédaigne pas chanter en anglais ou en espagnol ou reprendre des airs de jazz et de blues. Malgré une chanson à succès en 1963 « Melocoton », elle sera le plus souvent la chanteuse de quelques fidèles qui la suivent avec le plus grand plaisir tout au long de sa carrière. L’ensemble de sa discographie est à redécouvrir sans hésitation, autant musicalement que pour la force des messages qu’elle fait passer.

Catherine Ribeiro

Elle est à quelque part la fille spirituelle de la précédente. A l’époque où la première chante son « Melocoton », la seconde commence une carrière courte au cinéma sous la direction de Godard, « Les Carabiniers ». Deux ans plus tard, chez Barclay, elle connaît un premier succès en tant que chanteuse avec « La Voix Du Vent ». Il sera suivi de quelques disques moins visibles très recherchés par les collectionneurs. Les choses pourraient en rester là, si son partenaire du film de Godard, Patrice Moullet, n’était aussi un musicien original, inventeur d’instruments aussi nouveaux qu’originaux. A la fin des années 60, de leur complicité nait le groupe Alpes. Ribeiro en devient la chanteuse et parolière des musiques de Moullet. Elle se distingue très vite par son chant écorché et ses textes très souvent anarchistes, soulignés par des musiques que ne renie pas la musique progressive allemande qui connaît ses premières transes avec des groupes comme Amon Dull II. Cas presque unique dans la chanson française en dehors de quelques auto-productions, les paroles sont autant d’occasions d’expérimenter une musique pas toujours facile d’accès, mais d’une originalité certaine. Même si les médias boycottent, les albums du groupe connaissent un succès certain auprès de fans qui ont sans doute une envie de chansons moins traditionnelles. Mais Ribeiro est aussi une grande admiratrice de cette chanson des grands auteurs et interprètes. Elle se démarque peu à peu de la musique de Alpes qui a cessé d’exister en tant que groupe. La suite de sa carrière est surtout consacrée à remettre en mémoire les chansons qu’elle adore. Cela commence avec l’album « Le Blues De Piaf » en 1977. Elle y interprète avec sa fougue habituelle une sélection des titres de Piaf qui se prêtent à des arrangement plus modernes. Elle est toujours active aujourd’hui, le temps ne semble pas avoir éméché, ni sa foi, ni sa vivacité, malgré son lot de drames personnels. Elle interprète aussi bien son répertoire de Alpes que SA chanson française. Je lui voue une passion qui fêtera bientôt ses 50 ans. Autant d’années de bonheur musical.

Un des temps forts de la période Alpes

Peut-être la plus belle chanson de Léo Ferré « La Mémoire Et la Mer »

Mama Béa Tekielski

Une autre chanteuse qui fait de la chanson, mais de manière pas très conventionnelle. Je l’ai découverte vers 1977, visuellement magnifiée par une photo de pochette sur laquelle elle semble tenir un énorme pétard dans la main. Dans ses mains elle sait aussi tenir une guitare, une Fender, elle n’en joue pas toujours comme toute une chacune. Dans l’album en question « La Folle », il y a quelques délires musicaux pour le moins plaisants. Sa voix chevrotante convient à merveille à son répertoire blues-rock qui s’envole parfois vers des sons très personnels. Elle se réclame pourtant d’inspirations  bien plus traditionnelles, Brel, Ferré. En 1978, c’est ce que l’on peut considérer comme sa grande année, celle qui expose son nom aux médias avec son album « Ballade Pour Un Bébé Robot » dont est extrait un titre qui marche assez fort « Faire Eclater Cette Ville », plutôt conventionnel dans son répertoire, mais assez efficace commercialement. Les médias se désintéressent malheureusement vite d’elle, elle reste confinée dans les circuits branchés. Elle revient pour un temps en première ligne quand on lui confie la voix de Piaf pour le film de Lelouch, « Edith Et Marcel », en 1993. Sa carrière est parsemée d’une vingtaine d’albums dont un en hommage à Ferré. Son vaste répertoire de touche à tout musical devrait lui valoir enfin une reconnaissance méritée. Malheureusement la chanson française a des côtés conservateurs qui confinent parfois à l’usure. Je vois tout à fait Mama Béa dans une mouvance de renouveau qui s’exprime par la diversité de ses ambiances. Qu’a-t-elle de moins qu’un Brassens, qu’une Barbara? Rien justement!!!

Un extrait de « La Folle »

En live le titre qui a fait éclater une certaine ville.

Vers une autre chanson française -1-

La chanson française n’échappe pas au phénomène que j’appelle « on prend les mêmes et on recommence ». J’en ai un peu marre que l’on me signifie qu’elle se résume à Brassens, Brel, Ferrat, Ferré, Piaf, Greco, Barbara. Bien que je connaisse presque par coeur la discographie de tout ce beau monde, et que j’apprécie pleinement, je laisse bien volontiers de côté tous les rappels que nous infligent les médias pour nous commémorer les x ans de leur disparition ou les x ans de leur carrière. Finalement, cela joue le rôle d’étouffoir, d’arbre qui cache la forêt. Il y a pourtant d’autres horizons, des chansons qui peuvent être l’égal des plus célèbres, que l’on ne connaît pas si l’on a eu un moment la curiosité d’aller voir ailleurs.
J’ai été ce curieux, je le suis encore, que de belles découvertes j’ai faites. Que de plaisirs musicaux et poétiques, de rêveries qui me suivent au fil de ma vie. Sans doute plus que la chanson anglo-saxonne, elle me parle, c’est ma culture, ma sensibilité.

Alors si vous voulez bien me suivre, je vous propose un parcours vers ces soleils qui brillent ou ces rues qui ruissellent d’ennui dans l’âme de chanteurs qui ne sont pas forcément très connus, sans qu’ils soient complètements des inconnus pour certains. A vous d’en découvrir plus si vous le désirez.

Louise Forestier

On la connaît surtout pour son duo avec Robert Charlebois dans « Lindberg ». Bien qu’elle fasse partie de ces chanteurs du Quebec francophone un peu boudés par le public d’ici, elle n’en a pas moins un répertoire d’une qualité très intéressante. Comme cette très grande chanson « La Saisie » datant de 1978 ou ce duo avec Charlebois, qui n’est pas celui que l’on connaît, mais « La Marche Du Président », chanson aux paroles savoureuses et à l’orchestration insolitement pop.

Glenmor

Peut-on parler de chanson française quand il s’agit d’un Breton pur jus? Sans doute quand elle est d’expression française, même si parfois elle peut se référer musicalement à l’héritage de la musique celte, toujours très présente dans l’âme bretonne. Glenmor est un personnage qui a la Bretagne qui lui colle à la peau. Autant militant engagé pour l’indépendance que troubadour à la mode celte, il est célèbre dans son coin de pays natal, presque une icône. Un peu ignoré dans le reste de l’Hexagone, et c’est bien dommage, il n’en a pas moins tenté de louables efforts pour signaler sa présence. Vers la fin des années 60, il est sous contrat chez Barclay. Avec la complicité de François Rauber (Brel) pour les orchestrations, il sort un album « Cet Amour Là ». Il y a peu de références à la musique celte, cas assez rare chez lui. De puissants textes qu’il assène de sa voix tout aussi puissante, on peut penser à Brel dans la force de son interprétation,  ne le conduisent pas à une consécration nationale. Le disque reste assez confidentiel, mais le résultat est là, intriguant, plaisant. J’ai trouvé ce disque par hasard dans une brocante, dédicacé en plus. Depuis les chansons de Glenmor, qu’elles soient interprétées en français ou en breton, font partie de mes horizons musicaux.  A écouter religieusement, bien que je crois qu’il n’aurait pas aimé ce terme. Et puis je le glisse confidentiellement, le Bretagne est l’un de mes meilleures apports en visiteurs. A croire qu’ils savent encore rêver là-bas. Je vais bientôt faire un vieux rêve, fouler le sol breton. Pour sûr, j’aurai quelques mélodies de Glenmor dans mes bagages. Demat Breizh

Anne Vanderlove

Restons encore un moment en Bretagne, avec une native hollandaise, bretonne d’origine par sa mère. A mon avis, l’une des grandes dames de la chanson française qui puise toute sa force dans le charme des mélodies folk. Une carrière commencée en 1966 par un éclat avec sa fameuse « Ballade En Novembre ». Elle devient un symbole pour les étudiants lors des événements de mai 68. Victime d’un show-biz véreux qui l’exploite à outrance, elle finit par tourner le dos au vedettariat. Elle n’en continue pas moins d’enregistrer de nombreux disques, le plus souvent auto-produits, tous dédiés à une chanson française qui se veut classe mais aussi engagée. Elle a aussi participé à une des oeuvres majeures de la musique française dite progressive, « La Mort D’Orion », un régal proposé de Gérard Manset. Elle chante toujours, sans se lasser, sans nous lasser. Une immense carrière a redécouvrir d’urgence. Merci Anne que de bons moments je continue de passer en ta compagnie.

Deux chansons, l’une de la première époque « Les Enfants Tristes », merveilleuse ode à l’enfance malheureuse.  Ensuite, « Du Côté de St Jean Du Gard », plus récente, un de ses nombreux gentils sortilèges pour nous faire aimer l’imaginaire ou le vécu.

 2 ème partie