Machins et trucs un peu dédaignés

Avec la pléthore de disques sortis depuis que le vinyle existe, il est bien difficile de se rappeler du moindre truc qui parsemait les sillons des disques. Heureusement, il y a quelques admirateurs un peu plus curieux que les autres et qui sont là, (mais jusqu’à quand?), pour remonter quelques obscurités en surface. Ce sera plus tard le travail des historiens de rappeler ceci ou cela. En attendant, je vais vous exhumer quelques chansons qui ne sont que dans les souvenirs des fans ou des spécialistes, mais de loin de pas tous les passants dans la rue.

Heinz Burt, un Allemand d’origine, fit partie comme bassiste des célèbres Tornados dont le hit « Telstar » se vendit à des millions d’exemplaires. Poussé par le producteur Joe Meek, il tenta une carrière en solo qui ne débuta pas trop mal avec son hit « Just Like Eddie ». Je vous propose ici sa première tentative qui fut un bide total « Dreams Do Come True ». Ce disque est aisément identifiable comme étant une production de Joe Meek avec ce son si typique. Heureusement il existe un clip de cette chanson extrait du film « Farewell Performance ». Je trouve que cette chanson méritait mieux que son insuccès flagrant.

Sous l’étrange nom de Blonde On Blonde, le groupe sortit en 1969 en album pour le label Pye en Angleterre. Il y a une ou deux reprises dont « No Sleep Blues » emprunté à l’Incredible String Band, dans une version plus électrique. Malgré cet intéressant album, ce groupe est resté dans une obscurité relative.

Le groupe Art est la transition entre the Vip’s et Spooky Tooth. En 1967, ils publient un album sur le label Island qui contient quelques belles pièces. La chanson que je vous propose « Rome Take Away Three », un original, est dans mes écoutes régulières depuis plus de 50 ans. J’aime tout dans ce titre le vocal du génial Mike Harrison (RIP), le piano, la guitare, la splendide ligne de basse, la batterie. C’est personnel, mais c’est inoubliable donc je n’ai pas oublié.

Même si un artiste est très connu, il y a certains de leurs titres qui le sont beaucoup moins et que pratiquement personne ne connaît. Les Everly Brothers n’y échappent pas. Qui connaît ou se rappelle de « Nancy’s Minuet », un titre qui est pourtant d’une grande classe. A découvrir et surtout ne pas oublier…

J’avais trouvé ce titre sur une compilation garage par un groupe qui s’appelle les Galaboochees, avec un titre typique de ce style et que j’adore malgré qu’il soit très peu connu. Mais j’ai un gag à raconter à propos de ce groupe. Quand je vais dans un magasin de musique, je n’ai en principe pas besoin des conseils d’un vendeur ou d’une vendeuse. Alors que je cherchais je ne sais quoi dans un endroit attitré, une vendeuse me tournait autour sans arrêt et finit par me demander ce que je cherchais : « je cherche un disque des Gallaboochees ». Perplexe, elle me répondit : « je crois qu’on ne l’a plus en stock! ». Ah ben tiens, elle connaissait bien son métier, un véritable encyclopédie.

On pourrait dire la même chose pour John Lee Hooker, si son « Boom Boom » totalise des millions de vues, cette chanson-ci est nettement moins connue, seuls quelques spécialiste la connaissent. C’est pourtant du blues authentique, très traditionnel, du blues qui vous fout le cafard joyeux, c’est un des buts de cette musique.

Les chansons que l’on qualifie de standards dans tel ou tel style de musique, ont ceci d’un peu ennuyeux, c’est qu’elle se ressemblent un peu toutes. Quelquefois un petit malin arrive à en faire quelque chose de complètement différent, presque une autre chanson. Un des plus célèbres blues est le fameux « Hoochie Coochie Man », dont il existe des centaines de versions assez semblables. Le groupe hollandais Johnny Kendall & Heralds a pu insuffler à ce blues au rythme pesant et lent, un approche très beat et rapide. C’est un régal que je cite en exemple chaque fois que j’en ai l’occasion.

Même résultat pour le « Boom Boom » de John Lee Hooker, avec CCS, le groupe du talentueux Alexis Korner.

Qui se souvient encore de la série Bonanza? Le fameux Lorne Greene, un des acteurs, eut un gros hit aux USA avec son « Ringo » musique d’inspiration western. Il a eu la bonne idée d’en enregistrer une version en français, plus de 50 ans après, c’est toujours aussi sympa.

Un air celtique transformé en un truc planant. Peu connu en dehors de la Bretagne, Denez Prigent est un chanteur admirable de classe et de sensibilité.

Ca c’est un disque en pressage italien que j’avais trouvé chez un petit disquaire à Salo, au bord du lac de Garde en Italie pendant mes vacances de 1978. Je ne connaissais absolument pas ce groupe originaire de la Californie. J’ai été très étonné quand je l’ai écouté et je dois avouer que j’ai été emballé. De belles harmonies vocales, une mélodie aguichante, un instrument qui pourrait être de la mandoline électrifiée et en arrière plan de la guitare fuzz. J’en ai pas mal parlé avec des collectionneurs, aucun ne l’a jamais ni vu, ni entendu. IL existe un album du groupe sorti en 1966, là c’est moi qui ne l’ai jamais vu.

Et pour terminer une autre de ces perles inconnues nées non pas dans une huître, mais dans ce formidable courant qui traversa les USA à partir du milieu des années 60 et qui suscite encore bien des passions. Un Youtuber qui consacre sa chaîne à ce genre de musique a plus d’un million d’abonnés. Alors considérons que cette musique n’est pas morte. Evidemment quand on écoute la daube que l’on nous sert aujourd’hui, le moindre feulement au fond de la jungle ressemble à s’y méprendre à un opéra!

Des chansons qui prennent du temps

Les opéras et les grandes pièces de musique classique duraient parfois des heures. A l’apparition des supports comme le 78 tours et après le microsillon, la plupart des compositions ne duraient que quelques minutes, 2, 3, 4 minutes étaient la norme. Puis, à partir du milieu des années 60, la durée des titres a commencé gentiment à s’allonger. Il y eut, entre autres, « Goin Home » des Rolling Stones qui faisait plus de 11 minutes sur l’album After Math, les Doors « Light My Fire », 7 minutes sur le premier album, dont la version en 45 tours fut ramenée à 3 minutes, et également « The End » plus de 11 minutes. Mais le premier titre rock qui occupait une face complète, « Revelation », est le fait du groupe Love sur l’album Da Capo, qui durait plus de 18 minutes, suivi de près par Bob Dylan, « Sad Eyed Lady From the Lowlands sur le double album Blonde On Blonde. Le reste suivra et devient assez fréquent.

Voici un choix de ces titres que j’ai sélectionnés, principalement parce qu’ils sont plutôt du genre démonstratif, c’est à dire qu’avec un peu de sensibilité on est pris par un certain hypnotisme qui figure dans le morceau et on ne trouve jamais cela trop long. Ceci dans des styles différents qui ne vous plairont peut-être pas tous. Mais on essaye…

Evidememnt on ne pouvait pas laisser celle-ci de côté, mais on peut aussi remarquer que son apparition dans la bande sonore de « Apocalypse Now » l’a bien aidé à se faire des amis

Une douzaine de minutes pour un de ces trucs biens planants, a la limite on peut imaginer qu’ils ont pas fumé des épinards, un orchestre de chanvre en quelque sorte. C’est certainement pour une grande part de l’improvisation, mais le résultat est assez fumant, c’est le cas de le dire…

Sur le premier album du Crazy World Of Arthur Brown, qui obtint en 1968 un succès mondial avec « Fire »extrait de cet album, on trouve une chanson assez bizarre, dans un style assez insaisissable, c’est un peu jazz, un peu psyché, un peu rétro, enfin je l’ai écouté des centaines de fois et je ne m’en lasse pas.

En général, les longues chansons sont plutôt calmes, celle-ci c’est tout le contraire, un ruissellement de guitare endiablée et déglinguée. C’est dans ce genre de titres que l’on peut à chaque nouvelle écoute trouver des trucs différents, mais cela demande assez d’effort mental. The Gun, sur leur premier album de 1968, sur lequel figure leur fameux hit « Race With The Devil ».

Pas mal de groupes dans les années 60 et 70 reprenaient des chansons qui avaient leurs preuves pour le retravailler en général dans des versions étirées. C’est le cas pour « She’s Not There » des Zombies revisité en 1968 par the Litter.

 

La suivante est certainement un chef d’oeuvre, la chanson de Nancy Sinatra remise au goût de 1969 par Vanilly Fudge.

Le groupe anglais Man, après un succès avec un morceau qui fit presque scandale « Erotica », cherche et trouve de nouveaux horizons, notamment avec cet instrumental « The Storm ». Cela me rappelle immanquablement un vieux et beau dessin animé de Walt Disney « The Old Mill ». Le thème musical de Man va dans le même sens, vie paisible, tempête qui s’annonce et se déchaîne pour se calmer ensuite.

Le genre morceau logue durée n’a que peu effleuré les discographies françaises. Il y a pourtant quelques exceptions, une des plus coutumières du fait fut Catherine Ribeiro et le groupe Alpes. Un exemple : « Poème Non Epique » » qui en plus de 18 minutes remplit la face d’un album. Quand on me parle de grande dame de la chanson française le nom de Catherine Ribeiro me vient immédiatement à l’esprit, certes une dame en version moderne. J’imagine que si Fréhel ou Piaf étaient nées quelques dizaines d’années plus tard, elles se seraient trouvées à l’aise dans des chansons de ce style. Ribeiro est très anarchiste dans ses textes, mais avec les paroles d’un autre temps, les autres grande dames citées le sont parfois aussi un peu.

Le hard rock a aussi ses longues durées, ici Blue Cheer dans une formation ultérieure, reprend un vieux titre dans une version assez hendrixienne, c’est superbe!