En passant

Nylonpur Paris

Les jambes des femmes dans leur écrin de nylon, trottent dans la tête d’un homme au yeux de braise. C’est son secret, il ne partage avec personne, seul le regard peut le trahir. La femme qui arrive à le saisir au vol, sait que c’est elle qui dirige l’orchestre d’une symphonie silencieuse. En guise de baguette, ses talons battent la mesure, nul ne sait jusqu’où la mélodie l’entraînera, il voudrait que jamais elle ne cesse. De ces sons et lumières, naît le manège qui danse dans ses yeux. Ils brillent de mille éclats ardents à la poursuite d’une quête de désirs et de frissons d’absolu. Ils reflètent des nuits tièdes, des rayons du Lune et des éclats d’étoiles, qui miroitent sur la jambe indifférente à ses regards. La couture du bas, cette ligne qui sépare l’infini en deux, coule en crissements doux sur la rivière de nylon, depuis l’inaccessible source d’une jarretelle enfouie sous les secrets d’une robe. Dans cette brume irréelle, il rêve d’une alcôve où elle l’entraînerait, en réponse à cette flamme vacillante d’espoir qu’elle a peut-être happée de son regard. Il guette un signe, tandis que le temps s’arrête, se dilue dans une poussière d’éternité. Alors commence la folle attente.

L’attente.

La sensualité du nylon

 

Des dessous pour un siècle (16)

22 092515 7Le tournant des années 60 est presque un virage vers une libération de la société. Un vent de folie souffle plus ou moins fort dans toutes les couches de la société. Le plus significatif est l’avènement de nouvelles manières de vivre et c’est là qu’il souffle le plus fort. Par rapport à aujourd’hui, les salaires peuvent paraître modestes, mais la part que l’on peut consacrer aux loisirs est certainement plus large, le coût de la vie est raisonnable et surtout on n’est pas taxé par le moindre geste que l’on accomplit. La bête noire dans un budget familial est la voiture, mais elle n’est pas encore une nécessité aux yeux de tous, bien des familles s’en passent et ne s’en portent pas plus mal. La télévision, elle, devient l’instrument indispensable dans chaque foyer, alors on se la paye, souvent à crédit, mais elle entre pratiquement dans chaque foyer. On la consomme avec un certain plaisir car les programmes ne sont pas encore très nombreux et commencent en début de soirée seulement. 

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Les jeunes abordent la vie d’un oeil serein. Pour les oreilles, il y a Salut les Copains qui va devenir le rendez-vous des amateurs de musique que les parents qualifieront de moderne quand ils sont gentils. Mine de rien, ce phénomène sera très rassembleur, on devient des copains malgré toutes les petites mesquineries de la vie de tous les jours. Les idoles sont des bannières sous lesquelles on se rassemble, on choisit chacun la sienne, celle qui nous fera le plus rêver. Les disques se vendent à la tonne, ils tournent sur le Teppaz ou sortent tout droit d’un jukebox moyennant une petite pièce.

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La mode suit le mouvement, on s’habille comme les idoles, c’est l’empreinte des jeunes qui décide du choix des couturiers qui nous offrent le prêt-à-porter dans le style de l’air du temps. Toutefois, les idoles ne vont pas encore imposer les dessous qui restent une affaire que l’on peut qualifier de privée.

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Marilyn Monroe n’est pas le bon exemple en matière de dessous, car le plus souvent elle n’en portait pas. C’était sa manière de prôner son idée de liberté. On rêve d’imiter sa silhouette ou sa coupe de cheveux, mais les filles sont beaucoup plus fières de montrer qu’elles portent leurs premiers bas ou encore leur premier soutien-gorge. Les bas, s’ils sont encore portés par chacune, n’ont que peu de temps à vivre. Le porte-jarretelles reste la règle pour les plus délurées, la gaine pour la plupart des autres. On abandonne peu à peu les choses plus sophistiquées, comme le serre-taille, la guêpière, le corset, une petite élite se les réserve. Ceux qui l’ont vécu ne me traiteront pas de menteur, on assiste à une certaine dégradation dans la manufacture de ces produits. Les jarretelles sont le plus souvent en plastique, on ne peut pas toujours régler la longueur des élastiques, la partie qui ceint la taille ressemble de plus en plus a un cinquième élastique. supportant le reste. Le choix des tissus est souvent médiocre. Cela se résume à une expression que j’ai entendue « juste ce qu’il faut pour tenir les bas ».

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Les bas suivent aussi l’évolution, ils sont dans l’immense majorité sans couture, mais on a conservé l’empiècement du talon. La teinte conventionnelle est le ton chair, on réserve le noir pour le deuil, on lui trouve soudain un côté un peu trop sexy, ce qui ne s’est jamais démenti depuis. La matière subira encore quelques évolutions après le Lycra, le Dorlastan est est une. Ce sont souvent des inventions et appellations opportunes, bien que le principe reste le même, le bas peut s’étirer dans toute sa longueur. On les résume souvent sous le nom de bas mousse. Comme pour les dessous plus nobles, le bas à couture est encore populaire dans les milieux aisés. C’est une manière d’affirmer que l’on a les moyens, car il est nettement plus cher que le sans couture et nettement plus délicat, mais quand on ne compte pas…

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Durant ce feu d’artifice final, on note quand même quelques tendances bien dans le ton de l’époque qui se veut plus libérale. La publicité y contribue largement. On commence à présenter les sous-vêtements d’une manière plus coquine. Le croquis souvent présent dans les journaux est remplacé de plus en plus par la photographie. On ne montre plus forcément le visage du mannequin, on cadre sur l’objet. Pour une marque de bas, un gros plan sur les jambes est estimé suffisant. La fameuse Barbie devient une légende et accapare tous les styles, il y a même un porte-jarretelles qui lui est attribué. 

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Un ton au-dessus dans l’affirmation de la liberté, Scandale crée sa fameuse affiche en trou de serrure qui ravira tous les voyeurs qui font les cours théoriques avant de passer à la pratique, nous sommes en 1963. L’année suivante posera un dernier pont entre le bas et le collant, le panty. Destiné à satisfaire celles qui trouvent que l’air frais est gênant entre la lisière du bas et la culotte, il est dans un premier temps un gaine à manches pourvu de jarretelles et moulant. Ce succès, si succès il y a, sera éphémère, malgré un version sans jarretelles. Il est une sorte d’ancêtre de la culotte cycliste, l’abomination absolue en matière de féminité, pourtant adopté par nombre de femmes.

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Mais voici la minijupe et le collant, cauchemar qui succède à la fin d’un rêve de millions d’hommes.

Quelques dates

1960 – La pilule est en vente, une révolution.

1962 – Les Beatles enregistrent « Love Me Do », le premier pas d’une autre révolution dont personne ne se doute. Elle est morte à 36 ans, Marilyn Monroe.

1963 – Un grande voix dans un petit corps et un deuil national, la mort d’ Edith Piaf. Intronisation d’un mannequin tout en minceur, Twiggy. 

1964 – On sacque une présentatrice pour avoir montré ses genoux, tandis que les bikinis envahissent définitivement les plages.

A suivre