Du noir en rock blanchi

Incontestablement les origines du rock and roll sont noires. Musique des ghettos pendant longtemps, elle fut peu à peu captée par l’oreille des blancs. Il fallait pour la faire admettre définitivement jouer les petit jeu des versions blanchies. Les noirs avaient deux tendances dans l’accompagnement, soit très simple comme la plupart des authentiques bluesmen, un vocal et un accompagnement à la guitare souvent accoustique. Là on retrouve Robert Johnson. L’autre tendance est aux grands orchestres avec cuivres et tout le barda. C’est plus la spécialité de quelques jazzmen comme Duke Ellington. Blues, jazz, rhythmn and blues, le quel fut le plus prépondérant dans l’apparition du rock and roll, disons que c’est un mélange des trois. Les blancs sont à l’évidence plus simples dans la conception du rock and roll, guitares, basse, batterie, quelquefois un piano ou un saxophone. Il est rare que l’on entende autre chose dans les disques de Buddy Holly, Eddie Cochran, Gene Vincent, Carl Perkins, Jerry Lee lewis, Bill Haley, les premiers Elvis Presley. A l’évidence quand on écoute de vieux enregistrements avant le rock, il y a un son noir et un son blanc, bien mis en évidence par les vocaux. Le premier à faire un tube en rock and roll fut historiquement Bill Haley et « Rock Around The Clock ». Bien que cette chanson soit une création exclusivement blanche, Haley ne se priva pas d’inclure dans ses premiers enregistrements « Shake Rattle And Roll », celle-là bien noire, mais un tantinet blanchie. A peine après, arrive le personnage qui sera le principal détonateur  de cette canalisation, Elvis Presley. En 1954, dans les studios Sun à Memphis, il admire quelques artistes noirs et il met en route des versions traitées à sa manière. A quelque part c’est assez simpliste, combien de rockers ont remarqué que les enregistrements Sun sont effectués en trio vocal, guitare, basse, cherchez la batterie. Ses quelques disques publiés par Sun eurent un grand retentissement local certain, assez pour arriver aux oreilles de la RCA et le reste n’est qu’histoire. Mais pour en comprendre toute la saveur, revisitons quelques unes de ces pièces dans le deux versions, la noire et la blanche. Très souvent on croit qu’elles ne sont que dues aux rockers blancs, eh bien ce n’est pas vrai…

Elvis Presley d’abord…

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Aussi repris par Buddy Holly, un de ses tous premiers enregistrements. Mal enregistré mais excellent!

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Moins trépidante, la version de Bill Haley

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Et d’autres…

The Train Kept A Rollin’

Repris par Johnny Burnette dans l’album « Rock And Roll Trio » l’un des albums de rock les plus créatifs jamais enregistrés.

Whole Lotta Shakin’ Goin’ On

Eh oui, elle est plus connue par lui, à tel point que l’on croit souvent qu’elle est de lui…

Pour terminer, nous allons prendre le cas de Little Richard. Grand compositeur et interprète, un « méchant », a eu son répertoire littéralement pillé par les blancs. Son malheur à l’époque était d’être noir. Dans certains états où le racisme était encore assez présent, écouter du rock and roll était juste toléré pour autant que l’interprète soit blanc. Alors certains artistes, producteurs, ne se privaient pas de puiser chez lui, les premiers sans doute par admiration, les seconds plus opportunisme financier. On voulait bien des Noirs et de leur musique, leur verser quelques royalties en guise d’aumône et ce n’était pas toujours le cas, ainsi l »honneur » était sauf. Pour ne pas alourdir je n’ai pas mis les originaux, vous les connaissez sans doute, mais uniquement les reprises. On y fait assez souvent de belles trouvailles d’interprétation. Je commencerai par Pat Boone qui fit un succès personnel de « Tutti Frutti », ce n’est pas la meilleure reprise, mais celle qui s’est très bien vendue à l’époque.

Des dames sur la gamme (1) – Sharon Sheeley

Dans l’univers très machiste de la musique, les femmes sont à une contre cent. Pour le showbiz elles constituent tout au plus de charmants atouts pour vendre un disque. Des idées très très reçues font que la moindre chanson à succès est forcément l’oeuvre d’un mâle. Pourtant, un observateur attentif remarquera que ce n’est pas toujours le cas, de jolies chansons à succès sont le résultat de compositeurs qui n’ont point de barbe et quelquefois elles se transforment aussi en interprètes. Ces chansons vous en connaissez un grand nombre, pour autant qu’il vous arrive d’écouter de la musique. C’est vraiment dans les années 50 que le mouvement, féministe à sa manière, commence à marquer des points. Nous allons rendre hommage à ces talents via les succès qui ont fait leur gloire dans la période 50/60, la plupart de ces chansons ont traversé les années et elles sont encore aujourd’hui populaires et célébrées dans les circuits nostalgiques. Ecoutez-les et si d’aventure elles vous ont fait rêver, eh bien dites-vous que c’est à une dame que vous le devez. Merci Mesdames…

Sharon Sheeley (1940-2002) – Une grande dame de la composition. A 18 ans en 1958, elle est la plus jeune à obtenir un no 1 aux USA, grâce à sa composition « Poor Litte Fool », sa première chanson, chantée par Ricky Nelson qu’elle a repéré à la télévision. Elle lui présente la chanson en lui disant que c’est son grand père qui l’a écrite pour Elvis Presley. Fine mouche elle se doute qu’en disant la vérité, il aurait sans doute hésité avant de l’adopter. Il fit d’ailleurs un peu la grimace en apprenant sa véritable origine.

Comme elle est plutôt jolie, on lui prête des aventures avec les vedettes de l’époque, Don Everly, Elvis Presley et le futur PJ Proby. La chose la plus certaine c’est qu’elle fut la fiancée du célèbre Eddie Cochran, l’un des grands créateurs du rock and roll. Ceci aidant cela, elle lui compose quelques titres dont celui-ci « Love Again »

De cette love story émargea un des succès les plus connus « Something Else » écrit avec le frère d’Eddie, Bob, pour des détails de paroles concernant les voitures.

Elle composera aussi des titres que tous les fans de Cochran connaissent, « Cherished Memories », Think Of Me », « Lonely ».

En 1960, Eddie Cochran est en tournée en Angleterre en compagnie de Gene Vincent. Entre l’hiver anglais et un compagnon pas toujours abordable, il téléphone à Sharon de venir le rejoindre pour son vingtième anniversaire. Elle s’envole immédiatement, car elle espère devenir la femme du chanteur et c’est un signe encourageant. Elle se joint à la tournée. Brian Bennett, batteur de la tournée et futur Shadows, parle d’elle comme d’une fille admirable, tranquille et qui peut parler de musique en connaissance de cause. Le 17 avril 1960, elle est dans le taxi qui percute un lampadaire près de Londres. Eddie Cocharn est tué, Gene Vincent et elle, blessés assez sérieusement. Elle retourne aux USA, dépitée et veut définitivement quitter la musique. On la retrouve malgré tout en 1961 avec un grand succès pour Brenda Lee « Dum Dum » écrit avec Jackie De Shannon, autre célèbre dame que nous verrons plus loin. Cette dernière a eu un influence positive en lui proposant un partenariat.

Un hit pour les Fleetwoods enregistré en 1961.

Une ballade pour Brenda Lee « Heart In Hand » avec Jackie De Shannon

1963 Duane Eddy, en plein surf enregistre « Guitar Child »

PJ Proby, l’une des premières stars qui introduisit la touche de scandale en guise de support publicitaire

Ecrit pour Irma Thomas, « Break Away » ne fut pas immédiatement un succés. Il explosa bien plus tard dans la version qu’en fit Tracy Ullman dans les années 80.

Elle continuera de composer pour divers interprètes. Elle entreprit une autre partenariat avec Chris Curtis, le batteur des Searchers. Il en sortit « Night Time » pour les frères Paul et Barry Ryan, qui exploseront deux ans plus tard en 1968 avec « Eloise ».

Elle se retira peu à peu du circuit. Mariée au présentateur de télévison Jimmy O’Neil en 1961, elle divorce en 1967. Elle reste pour beaucoup de monde l’éternelle fiancée de Eddie Cochran tout en étant citée dans « La Bamba » le film en hommage à Ritchie Valens pour lequel elle a écrit « Hurry Up ». Elle meurt d’une hémorragie cérébrale en 2002. Une plaque souvenir est sur la tombe d’Eddie Cochran.

Au vingtième étage du paradis, Eddie Cochran

Il s’est passé quoi le 17 avril 1960? Certains me diront, il pleuvait. D’autres, je me suis marié ou encore je suis né. Chez les rockers, c’est une date précise dans leur mémoire. La mort de Eddie Cochran à 21 ans, dans un accident de voiture près de Londres, en compagnie de Gene Vincent qui lui survivra, plutôt mal que bien, d’une dizaine d’années.
Cela va faire 50 ans, il serait septuagénaire et sans doute bien ridé ou mort d’une autre chose. Au contraire, il est toujours là, paraissant si jeune sur les photos. C’est le seul cadeau de la mort, quand elle frappe tôt, on garde une image éternellement jeune.
Résumer sa carrière, des centaines l’ont fait avant moi, donc il n’est pas nécessaire d’en rajouter. On peut juste et avec plaisir, se rappeler des titres les plus populaires, immortels et toujours chantés aujourd’hui, « Summertime Blues », « Somethin’ Else », « Nervous Breakdown », « C’mon Everybody », « Twenty Flight Rock », toutes créations originales. Plus qu’un beau gosse, il fut aussi un grand guitariste et un créateur dans un style qui lui est propre. Le reste n’est peut-être qu’illusions, le rock and roll et sa légende, pas aussi maudit que l’on voudrait bien le croire. Il y avait juste des talents destinés à enflammer la jeunesse selon certains ou à la pervertir selon d’autres. Les vieux râleurs sont morts et leurs paroles avec. La musique, elle, a survécu. Et c’est tant mieux.
Ladies and Gentlemen, tonight, remember him, the one and only Eddie Cochran…

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