Meade Lux Lewis – Meade in boogie-woogie


On ne peut pas parler de Meade Lux Lewis sans parler de boogie-woogie. Ses origines sont assez obscures. Les historiens musicaux s’accordent pour dire que le style est né au tournant du 20ème siècle aux Etats-Unis, probablement dans les états du sud. Plus que le style, c’est la paternité du nom qui est très difficile à attribuer. On peut considérer que le piano est l’instrument de base qui a servi à établir sa popularité, c’est encore de nos jours un style plutôt pratiqué sur le piano. Autre fait insolite, les noirs s’approprient un instrument qui est bien une invention blanche, car il ne fait de doute que le boogie-woogie est une musique d’origine noire américaine. Imaginons un musicien noir qui se trouve devant un piano et qui se demande ce qu’il pourrait bien faire avec cet instrument. Etant peu réceptif aux sonates de Beethoven, plus féru de rythme que de mélodie, il y va de sa manière en insufflant un peu de ses racines sur le clavier. C’est bien sûr une hypothèse, mais peut-être pas si absurde que cela.
Autre création typiquement noire, le jazz a lui aussi ses diverses origines et styles, le boogie-woogie en fait partie. Au fil des rencontres, des échanges, des influences, la musique évolue sans jamais prendre un forme définitive, elle servira à d’autres pour en faire une nouvelle tendance. Ainsi va la musique, rien n’est définitif.
Ce n’est que dans les années 20, quand le phonographe deviendra populaire, malgré tout un objet de luxe pour l’époque, que l’on peut vraiment commencer à dater les choses. Le style, à défaut du terme, se retrouve sur quelques 78 tours de l’époque en tout au début de la décennie. Ce n’est qu’en 1928 que Pinetop Smith enregistre ce qui va devenir le premier hit du style « Pinetop Boogie Woogie », suivi de près par « Honky Tonk Train Blues », par justement Meade Lux Lewis. C’est un Noir, né à Chicago en 1905. Pianiste de formation à l’origine, il pratique son art au gré des concerts et en 1927, il enregistre pour Paramount son fameux titre. Le succès ne sera pas immédiat, le disque sort seulement en 1929, il mettra même un certain temps à l’établir comme une star. Ce terme est à prendre avec réserve, car la ségrégation n’est pas encore une utopie à cette époque. Gageons que le public blanc averti admire plus ou moins secrètement cette musique. Pendant une dizaine d’années il sera très populaire, évoluant son style sur des instruments comme le clavecin, ainsi que des formes orchestrales qui vont du soliste au big band. Nombres de titres de son répertoire sont des compositions personnelles, mais tournant autour du boogie-woogie. Le déclin commercial du style marquera un pas dans sa célébrité, mais jamais comme source d’inspiration.
Le rock and roll des années 50 marquera un renouveau et le grand Jerry Lee Lewis en sera un des principaux artisans. De nos jours, cette musique est toujours très populaire, sous diverses incarnations. Musique destinée à mettre de l’ambiance avant tout, elle arrive à rallier les jeunes comme les moins jeunes.
Meade Lux Lewis est mort dans un accident de voiture en 1964, bien que son décès ne fut pas un événement mondial, il a marqué à jamais l’histoire de ce style. Il en fut un des détonateurs et personne ne le conteste.

Des tendances et évolutions plus modernes de cette musique, chronologiquement et en résumé…

Andrews Sisters – Boogie Woogie Bugle Boy (1941) – Une des manières de présenter cette musique à un public de race blanche

Arthur Smith – Guitar Boogie (1948) – La premier célèbre titre joué à la guitare

Bill Haley & Comets – Birth Of The Boogie (1955) – La première star du rock and roll, non, non, historiquement c’est pas Presley

Jerry Lee Lewis – Lewis Boogie (1956) –  il fut toujours très lié au boogie-woogie

The Shadows – Shadoogie (1961) – Le son typique du début des années 60, on s’éloigne de la tradition

Savoy Brown – The Boogie (1969) – On s’éloigne encore un peu plus, les artifices de la pop revisitent le  vieux style

Un artiste Français, un grand virtuose du piano est certainement l’un des meilleurs représentants actuels de cette musique

Bessie Smith – L’impératrice noire

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Bessie Smith est née en 1892, 1894, ou 1895, on ne sait pas très bien, les sources divergent. Par contre elle est née dans le Tennessee, ça c’est sûr. Comme beaucoup de noirs américains, la situation de tous les jours n’est pas des plus enviables. C’est souvent la ronde des petits boulots comme employée de maison ou autres blanchisseuses. Jusqu’au début des années 20, sa vie reste dans l’ombre. Elle a cependant une attirance et un réel don pour le chant. En se mariant et avec son mari comme impresario, elle commence à percer dans la musique. En 1923, les disques Columbia la signent pour enregistrer sur le label. Le succès vient rapidement et dans ce style elle est une des premières artistes noires à acquérir un véritable vedettariat. Elle rencontre, joue, se fait accompagner par des musiciens qui deviendront prestigieux par la suite, Louis Armstrong, Fletcher Henderson, Sidney Bechet. A cette époque, elle n’a qu’une seule véritable rivale, Ma Rainey. Son succès grandissant presque uniquement salué par la communauté noire, la fera passer un peu au second plan, l’histoire retiendra surtout le nom de Bessie Smith. Le répertoire de Smith est un mélange de blues et de jazz tout à fait représentatif de ces années. Bon nombre de ses interprétations vont rester dans les mémoires comme « Gulf Coast Blues », « Baby Won’t You Please Come Home ». Pendant quelques années, elle va rester d’une popularité grandiloquente. Ses cachets atteindront parfois 2000 dollars par jour, une grosse somme à cette époque. Sa vie sentimentale n’est pas de tout repos, son mari n’est pas toujours fidèle, elle non plus, de plus elle affiche une penchant pour la bi-sexualité. Ils finiront par se séparer, son mari étant certainement moins intéressé par sa carrière qui souffre de la dépression de 1929, où l’argent se fait plus rare. Après 160 titres enregistrés pour Columbia, sa maison de disques l’a met à l’écart. En 1933, le producteur John Hammond tente de la relancer, sans y mettre beaucoup de flamme. Le 26 septembre 1937, elle est victime d’un grave accident de voiture. Elle mourra semble-t-il, par manque de soins immédiats. Certaines versions disent qu’elle a été refusée dan un hôpital parce qu’elle était noire. D’autres disent que les secours ont tardé à venir ou qu’elle était trop gravement atteinte pour survivre à ses blessures. On ne saura jamais ce qui est vrai ou faux.
L’influence de son style, sa manière profonde de chanter seront source d’inspiration pour un tas d’artistes. Billie Holiday la première, Janis Joplin plus tard. C’est même elle qui payera un monument funéraire sur sa tombe qui en est dépourvu. L’Amérique a parfois mal à ses héros.

Un des rares documents sonores existant d’elle, St Louis Blues 1929

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