Et Vian rock et Salvador roll


Au début 1956, le rock and roll était aussi présent dans l’esprit des Français que le futur voyage de l’homme sur la Lune. Quelques initiés avait juste entendu ce mot qui allait transformer le visage musical de la seconde moitié du siècle en cours. S’intéresser à la chose était bien, mais il était pratiquement impossible de mettre la main sur un disque de la production nationale, à part peut-être un certain disque de Bill Haley « Rock Around The Clock », ils ne figuraient pas au catalogue. A vrai dire, le rock en disque était plus présent chez les disquaires américains. Mais en petite quantité, car les futures idoles de cette musique n’avaient pas tous enregistré en disque. Seuls Presley et Haley et une petite poignée d’autres pouvaient prétendre signer des autographes sur leurs pochettes de disques labellisés rock and roll, les reste allait venir.
Mais restons en France, la chanson française de l’époque est dominée par un certain romantisme apprécié par les gens qui avaient franchi le quart de siècle. André Claveau est une idole, Mouloudji un chanteur plus poétique et engagé, Georges Brassens annonce un nouveau regard sur les travers de la société. Dans ce train-train, seul le jazz est plus proche des idéaux de la jeunesse dans les caveaux de Saint Germain des Prés. Un personnage emblématique de cette période est Boris Vian. Il coiffe plusieurs casquettes, écrivain dérangeant, poète moderne, auteur-compositeur à succès et contestataire. Il est lui-même interprète et musicien, principalement trompettiste. Sa véritable passion est le jazz dont il est aussi critique. De son côté, un certain Henri Salvador connaît assez bien les faveurs du public avec ses chansons tantôt gaies, tantôt tristes. Il a déjà un long passé musical derrière lui, il fut un membre de l’orchestre de Ray Ventura. Les deux personnages se connaissent et s’apprécient. Un jour de mai 56, en écoutant des disques de rock and roll, ramenés par Michel Legrand des USA, ils se marrent en découvrant cette musique nouvelle pour eux. Salvador est sans doute plus convaincu, mais Vian traitera toujours le rock avec une certaine condescendance. Pour lui, cette musique est juste prétexte aux manipulations verbales . Ils décident d’aller un peu plus loin et c’est ainsi qu’un disque bien français portera la mention « rock and roll ».
Bon ne rêvons pas, c’est de la parodie, on se prête à quelques bons, voire excellents, jeux de mots sur cette musique. Tout tourne en fin de compte autour de la rigolade, mais cela n’en reste pas moins musicalement du rock and roll. Sur plusieurs facettes, c’est une merveille de trouvailles et un bon moment de franche déconnade.
Les ingrédients:
Interprète: Henry Cording, Henri Salvador bien sûr, mais jeu de mots sur recording, enregistrer en anglais.
Les auteurs et les compositeurs: Henry Cording; Big Mike alias Michel Legrand; Vernon Sinclair, alias Boris Vian, un des pseudos de Vian, Vernon Sullivan fut celui sous lequel il publia « J’irai Cracher Sur Vos Tombes ».
Les chansons: Rock And Roll Mops; Dis-Moi Que Tu M’aimes Rock; Rock Hoquet; Va T’faire Cuire Un Oeuf Man
Style: auditivement inspiré du rock de Bill Haley
Orchestre: Michel Legrand
Enregistrement: juin 1956; publication: été 1956
Disques Fontana 460.518 ME et 1 face 33 trs 25cm 76088 fin 1956
Pochette. A l’époque deux versions, la première avec seul le nom de Henry Cording et la seconde mentionnant le nom de Henri Salvador. Le texte du verso de la pochette est lui-même un morceau d’anthologie.

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Bien que le disque eut un succès plutôt modéré, il fut édité en Belgique, Allemagne, Canada, Etats-Unis.
En le réécoutant aujourd’hui, cela fait sans doute sourire, mais n’étais-ce pas son but premier?

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Serge Gainsbourg – Du chant à la une

En ces temps ou l’on reparle de Serge Gainsbourg à travers le cinéma, il faut peut-être recentrer le personnage à travers sa musique. Je le dis tout de suite, je n’ai pas vu le film, je le verrai sans doute un jour, mais ce n’est pas une priorité. Comment situer un personnage riche en anecdotes avec quelques images filmées sur un duo d’heures, plus ou moins quelques minutes? Il est de bon ton de l’encenser maintenant après lui avoir craché dessus pendant des années. Ceux qui faisaient partie des « chers z’auditeurs » d’une époque située entre 1958 et 1965, ont à peine entendu son nom prononcé par l’animateur, s’ils l’ont entendu. Pourtant avec un peu de curiosité, ils connaissent l’auteur de certaines chansons assez populaires, interprétées par d’autres, Ah Oui, c’est signé S. Gainsbourg. Il n’intéressera que peu de monde dans sa première période de chanteur, mais il est il est plus prisé comme auteur-compositeur. Bien qu’il se verrait peintre, non pas ne bâtiment, mais comme artiste, c’est quand même la musique qui lui apporte ses premiers petits pécules. Il est dans l’orchestre d’une certaine Michèle Arnaud comme guitariste et accessoirement pianiste à d’autres moments. Elle sera la première dame à lui reconnaître un talent de compositeur, au point d’enregistrer ses chansons. Musicalement Gainsbourg n’est pas une révélation de l’époque, le jazz est sa musique de base comme Boris Vian qu’il admire. Mais au niveau des textes là, il est plus beaucoup plus original. Des jeux de mots souvent drôles, une sorte de fureur de vivre à la française, des sous-entendus piquants, c’est un peu de sa personne et de cette vie un peu insouciante qu’il glisse en accordant ses notes. alphabétiques. .
Son premier disque en tant qu’interprète et évidemment compositeur, c’est un 33 tours 25 cm qui paraît en 1958. Même s’il fut ce que l’on peut appeler un plantage, une chanson en deviendra le phare, « Le Poinçonneur Des Lilas ». Si elle devient populaire ce sera grâce à quelques paires de collants, non pas des bas, ceux enfilés par les Frères Jacques dont la chanson est inscrite dans leur répertoire. Il est vrai que c’est le genre de chanson que l’on entend une fois et qui vous reste à vie, les fameux petits trous et encore des petits trous, lutteront efficacement contre les trous… de mémoire. Mais le reste est là, soupirant dans les discothèques poussiéreuses des radios. Des textes provocateurs, ironiques, avant-gardistes sous un titre d’album de série noire « Du Chant A La Une ». Du jazz parfois dans le ravin, ce mortel ennui qui ne vient pas en l’écoutant, comme si on avait douze belles dans la peau. Pendant que le charleston déménage sur son piano, l’alcool nous concocte la recette de l’amour fou quand la femme des uns est sous le corps des autres. Pour aller chez Ronsard, il suffira de changer à Opéra…
Son heure viendra, mais la première heure est déjà là, prête à l’écoute et à la (re) découverte
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