Au temps du vinyle, la production phonographique française est assez minimaliste par rapport à un pays comme les USA. Cela ne veut pas dire qu’elle n’existe pas. Malgré tout, une immense partie de cette production restera dans l’ombre, par manque de soutien de la presse spécialisée, par manque de diffusion radiophonique, par manque promotion. Je me souviens d’avoir vu chez les disquaires des représentants de maison de disques faire la promotion de nouveautés du catalogue. Ils n’avaient rien de différent des autres représentants, sauf qu’ils vendaient ou faisaient la promotion des disques au lieu de brosses ou d’assurances. Il y avait ce qui était en demande, les fameux succès du moment, et des trucs moins connus ou inconnus qu’il fallait essayer de refiler au disquaire en vantant la marchandise, charge à lui d’en souligner les mérites auprès d’une clientèle dont il connaissait les goûts.
Malgré cela une très grande partie de cette production est restée inconnue, ne s’est pas ou mal vendue, c’est en général ces disques qui font le bonheur des encyclopédistes, même certains sont devenus de très estimables pièces de collection. Allons faire un tour dans ces publications dont la plupart vous sont inconnues, autant les chansons que les artistes, à moins que vous n’ayez été un chasseur de disques averti pour quelques uns d’entre eux. Toutes les publication dont je parle ici ont bien été éditées en France et sont uniquement des 45 tours.
1964 – Les Aiglons / Troïka. Après avoir connu un succès assez conséquent, les Aiglons tentent de réitérer la magie et la réussite de « Stalactite ». Le seule titre qui y parvient vraiment figure sur leur troisième EP et s’appelle « Troika ». Sans que le disque soit rarissime et coté, il est nettement moins facile à trouver que les deux précédents. La pochette existe en deux versions, comme sur le disque figure un reprise de « Sundy Stranger » composé par le célèbre guitariste Billy Strange et popularisé par les Fencemen, il est sur les premières éditions titré comme l’original. Mais cette interprétation fut choisie comme indicatif pour une émission radiophonique Bal. 10-10. Les copies suivantes mettent ce fait en évidence avec un autocollant sur la pochette qui cache le titre original. C’est plus difficile de le trouver dans cette version.
1963 – The Dovells / Bristol Stomp. Publié en France avec un certains décalage, le hit américain du groupe ne rencontra pas vraiment les faveurs de teenagers français, c’est un truc très rare. Le chanteur principal du groupe, Len Barry, fera mieux en France en 1965 avec « 1,2,3 », mais c’est moins rare.
1965 – Jimmy Smith / Blues For Alphonse. Bande sonore d’un film assez connu « La Métamorphose Des Cloportes », Le EP extrait de la bande sonore est un truc qui cartonne assez bien chez les collectionneurs. Comme souvent à l’époque, le jazz figure dans un grand nombre de films policiers. Disque assez rare, pas le plus courant de Jimmy Smith
1960 – Billy Fury / That’s Love. Une grande star en Angleterre, mais presque ignorée en France où sa discographie est peu abondante. Qu’à cela ne tienne, les fans anglais recherchent ces pièces et mettent parfois de jolies sommes pour une copie, pour autant qu’ils en trouvent une.
1959 – Los Goyo’s Cats / Mescal. A la fin des années 1950 la France est envahie par des musiques qui ne doivent rien au folklore national. Nous voyons déferler des mélodies qui viennent d’Italie, d’Espagne, du Mexique, ou encore teintées de rythmes arabes. Ce disque paru en France a été enregistré au Mexique. Tout en respectant une certaine couleur locale, il est teinté de rock and roll à la Bill Haley. Contre toutes les apparences, ce disque est recherché et presque introuvable.
1958 – The Chordettes / Lollipop. La dernière survivante de ce groupe féminin blanc est décédée au début de cette année à l’âge respectable de 95 ans. Pendant presque une dizaines d’années, elles façonnèrent des hits qui sont encore dans passablement d’oreilles. La France ne s’intéressa que peu à leur musique. La pièce la plus rare est sans doute ce premier EP français publié chez London en 1958. Je ne l’ai jamais vu , contrairement aux publications suivantes que l’on voit de temps en temps.
1970 – DR John / Loop Garoo. Un mec qui a toujours fait des trucs assez originaux. Comme c’est le cas pour beaucoup de ces vinyles pop publiés au tournant des seventies, les singles sont plus difficiles à localiser que les albums. Sans atteindre des sommes colossales, ils font souvent partie de collectors pour débutants, exceptés certains plus en vue..
1967 – Donnie Elbert / Get Ready. Chanteur de r’n’b peu connu chez nous, c’est sa première publication en France, alors qu’il enregistre depuis 1957. Cela n’aida pas à le faire connaître ici et le disque passa à côté du succès. Seule consolation pour ceux qui en possèdent une copie, c’est un assez joli collector et plutôt recherché. C’est la reprise du célèbre titre des Temptations.
1959 – Eddie Cocran / C’mon Everybody. on a souvent eu l’occasion de le constater dans cette chronique, avant 1960 la France éditait des obscurités rock and roll, alors que les vraies stars n’étaient que peu publiées. Avant sa mort accidentelle, Eddie Cochran n’a eu que deux EP’s publiés ici, alors que sa discographie est bien étoffée et ne manque pas de titres canons. Autant dire que ces deux publications sont plutôt du genre recherchées et encore il faut trouver celles qui ont survécu au labourage des Teppaz. Son très connu » C’mon Everybody » figure sur le premier.
1963 – Heinz / Just Like Eddie. Certains qui me lisent peuvent se demander comment je fais mes articles et où je vais chercher toutes ses raretés et quel est le fil conducteur. Premièrement, il faut posséder une certaine culture pour un sujet donné. J’observe le monde de la musique depuis bientôt 60 ans et je crois avoir acquis un bon bagage de connaissances, d’autant plus que je suis un généraliste et pas vraiment sectaire musicalement. Par exemple, quand je rédige cette rubrique, je pars d’un truc un peu au hasard, presque naturellement le reste s’enchaîne. Parmi les mille manières de trouver une suite, je vais vous donner le cas pour ce disque. Dans le présentation ci-dessus, je parle d’Eddie Cochran. Il me vient presque automatiquement à l’esprit qu’un certain Heinz, à l’origine bassiste des Tornados, avait quitté le groupe pour se lancer dans une carrière solo. Son idole était justement Eddie Cochran et il avait enregistré en hommage « Just Like Eddie », suivi d’un album qui contient des reprises de lui. De là à me rappeler que ce titre avait été édité en France sur un très très rare EP, avec en plus une belle pochette, la suite de la chronique était trouvée. C’est un peu comme un routier qui a parcouru toute la France pendant des années, il sait qu’après Mouchons-les-Chandelles il y a un radar et un peu plus loin un bistrot où l’on mange très bien. Adapté en France par Frank Alamo « Pour Les Filles ».
1968 – Eternity’s Children / Mrs. Bluebird. Groupe pop américain très peu connu chez nous, à peine plus aux USA. Un seul single est publié en 1968, sans doute avec l’intention de la faire connaître hors des frontières nationales. De la pop assez soft et mélodieuse, pour un disque à ranger dans les petits collectors.
. 1967 – Chris Farlowe / Yesterday’s Papers. Il fut une des premières signatures du label Immediate fondé en 1966 par le manager des Rolling Stones, Andrew Loog Oldham. Cela lui permit d’enregistrer plusieurs compositions signées Jagger / Richard sans toutefois en avoir l’exclusivité. Doué d’une voix assez exceptionnelle, on le prend assez facilement pour un chanteur noir, il apporte une touche particulière à ses interprétations. Sa version de « Out Of Time » le fit sortir d’une relative obscurité en se hissant à la première place du hit parade anglais. En fait, il enregistre depuis 1962 sans trop aller au-delà d’une certaine réputation. Les trois EP’s publiés en France sont d’assez jolis collectors et même assez bien cotés. Il est toujours plus ou moins en activité.
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Bonjour M. Boss,
C’est sûr vous êtes un historien de la musique, et je dis ça le plus sincèrement possible, sans flagornerie.
Vos chroniques sont toujours bien construites , même si je suis plus sélectif que vous, j’apprends plein de choses qui m’intéresse et me surprenne .
Bonne semaine
cooldan
Hello Cooldan,
Merci. J’ai toujours eu une certaine passion pour l’histoire en général. Mais je pense que l’histoire a besoin de spécialistes pour une chose ou une autre. Chez les historiens classiques, on retrouve des spécialistes qui ciblent une période ou un personnage en particulier. J’imagine que pour la musique, ce ne sera pas différent. D’ici 100 ou 200 ans, il en faudra pour les Beatles, Elvis Presley, le rock and roll ou la musique surf. Peut-être qu’un jour futur, l’un de mes articles publié dans la presse servira de référence à un futur historien pour revisiter la musique du 20ème siècle, comme d’autres aujourd’hui se basent sur des documents anciens pour parler de Napoléon ou Caruso. Je fais abstraction de ce que je publie sur la Toile, car c’est plus volage, cela peut disparaître du jour au lendemain.
Dans votre genre vous êtes aussi un bon contributeur, ce que vous avez fait sur les versions françaises des Beatles sera aussi utile plus tard, ça l’est déjà maintenant. Même pour moi, il y avait des trucs que je ne connaissais pas. Etre sélectif n’est pas un désavantage si on va au fond de ce sélectif. Et puis pour les reste, je crois que vous vous défendez bien, vous vous rappelez sans doute des documents que vous m’avez envoyés sur Deep Six, déjà connaître ce groupe n’est pas à la portée de tous, il faut de la curiosité et vous en avez. Continuez !
Bonne fin de semaine