En passant

Bas nylons et un dahlia très noir

Mes fidèles lecteurs se souviennent qu’il n’y a pas si longtemps, j’avais illustré au cours d’un article que dans le monde les choses étaient plus liées qu’on peut le penser. C’est l’histoire de la personne inconnue avec qui vous parlez dans un bistrot de Sydney et qui s’avère connaître votre voisin. C’est un exemple, mais parfois la réalité vous confirme que ces liens existent. Si je vous pose la question : « Pouvez-vous établir un lien entre une des chansons les plus emblématiques des sixties « California Dreamin' » des Mamas and Papas et le meurtre du Dahlia noir, une des plus célèbres histoires criminelle américaines ? »
A première vue je ne pense pas, mais il existe un lien, tout dépend de ce qui s’est réellement passé lors de faits survenus lors de ce meurtre. Je vais vous l’illustrer en résumant d’abord l’affaire, jamais élucidée à l’époque et encore maintenant le doute est permis.

Une vidéo en introduction de l’affaire du Dahlia noir. C’est en grand format, cliquer Attention, certaines images peuvent choquer, mais c’est la réalité

Steve Hodel est un flic né en 1941 en Californie, il est le fils de George et de Dorothy. Sa mère est la première épouse du célèbre cinéaste John Houston, et la seconde de son père. Pendant 25 ans il travaille à la police de Los Angeles et finit au département des affaires criminelles. On peut dire que c’est un homme d’expérience, surtout que dans cette ville on ne fait pas spécialement dans la dentelle. Il a travaillé sur plus de 300 histoires de meurtres. En 1986, il quitte la police et s’établit comme détective privé. En 1999, son père nonagénaire décède. Dans les affaires de son père il retrouve un carnet qui contient des photos. Si certains visages lui sont familiers, il y en a un qui ne l’est absolument pas, celui d’une femme. Cela l’intrigue et il veut savoir qui elle est. Il finit par trouver, sur la photo figure probablement Elizabeth Short qui est bien plus connue et tristement célèbre sous le nom de Dahlia noir. Alors il veut savoir pourquoi cette photo figure dans ce carnet, car en apparence il n’y a là que des personnes qui ont eu un lien étroit avec son père. L’histoire du meurtre remonte au début 1947 à Los Angeles, il avait à peine 5 ans, il n’en conserve bien évidemment aucun souvenir, même si c’est là que Steve Hodel a passé une partie de son enfance.

La maison où résidait George Hodel de 1945 à 1950. Cette maison est célèbre à Los Angeles. Elle fut construire dans les années 1920 pour l’artiste et photographe John Sowden. Elle est aussi surnommé maison de Franklin ou maison des requins. C’est une maison pour gens très aisés. La photo ne rend pas compte de son étendue, c’est une sorte de dédale avec piscine et tout le toutim.


Il doit alors se replonger sur son passé familial. C’est d’autant plus difficile qu’il n’a jamais vraiment connu son père, excepté dans sa petite enfance. Son père partit pour Hawaï en 1950, divorça de sa mère et se remaria là-bas pour la troisième fois. Il réapparaîtra aux USA très occasionnellement. Même s’il peut rassembler une partie du puzzle grâce à ses souvenirs, au cours d’une enquête qui durera trois ans, il vit apparaître son père sous un jour complètement différent. Il faut le préciser, c’est une huile à Los Angeles, il fréquente du beau monde et a acquis une belle renommée comme médecin. Des noms célèbres font partie de ses proches amis, John Houston déjà cité, mais aussi les artistes Man Ray et Fred Sexton, et à peine plus lointain, l’écrivain Henry Miller. Son père est ce que l’on peut considérer comme un intellectuel, il s’habille avec une élégance raffinée, il s’y connait très bien en art, il est un enfant prodige et un virtuose du piano. Par un autre sens du raffinement, il aime bien s’exprimer en français, langue qu’il possède parfaitement et que l’on parlait chez ses parents. Il lit Baudelaire et Lautréamont, il est impressionné par les surréalistes et André Breton. Il est aussi, et avant tout, un séducteur qui n’aime pas que l’on lui résiste, pour lui les femmes sont avant tout des objets sexuels. Plus insolite, avec Houston et Ray, ils partagent une passion commune pour les écrits du marquis de Sade. Au fil de son enquête, Hodel Jr commence à saisir la personnalité très complexe de son père, une personnalité même plutôt inquiétante.
Le matin du 15 janvier 1947, une promeneuse est sous le choc, A quelques pas d’une route dans ce qui est encore une banlieue plutôt déserte de Los Angeles, elle découvre un cadavre nu, mutilé, coupé en deux avec une entaille au visage qui va d’une oreille à l’autre. Le corps est complètement vidé de son sang. En apparence, il est posé là afin qu’on le découvre rapidement. C’est le départ d’une des plus célèbres histoires criminelles américaines, qui fera la une des journaux locaux pendant plus d’un mois. La police parvient assez rapidement à identifier la victime. Il s’agit d’Elizabeth Short, née près de Boston en 1924, elle entrera dans sa morbide légende sous le nom de Dahlia noir. La police a la tâche d’autant plus facile, car elle est fichée. Elle est arrêtée en 1943 pour consommation d’alcool car elle est mineure. Aux USA, on ne badine pas trop avec ce genre de choses, car l’âge légal est fixé à 21 ans. Son pédigré est assez vite établi, c’est une de ces nombreuses filles venues tenter la chance à Hollywood dans l’espoir de trouver une vie plus facile et surtout de faire du cinéma. Elle a quelques avantages visibles, c’est une très belle femme au corps bien proportionné, elle a des cheveux teints noir d’encre, elle attire les hommes. ce qui ne semble pas lui déplaire. Mais des filles comme elle, il y en a des milliers qui hantent les rues d’Hollywood et de Los Angeles, les places se vendent cher. La police examine bien des pistes, recherche des témoins, interroge des suspects, tout y passe, mais l’enquête semble vite s’enliser, elle n’a pas ou ne veut pas trouver un coupable. Il y a quelques certitudes, la découpe du corps a été faite par quelqu’un qui connaissait très bien cette pratique, ce n’est pas le travail d’un amateur. Le restes du corps n’ont pas été mis dans le terrain vague comme on se débarrasserait d’un vieux matelas. La mise en scène macabre semble avoir quelque chose de sinistrement artistique. On le découvrira plus tard, mais George Hodel a figuré sur la liste des suspects et la mise en scène semble inspirée de scènes tirées de l’oeuvre de Man Ray et Fred Sexton.

En mai 1947, la police continue son enquête et cherche toujours le coupable. Voici une lettre adressé au boss du FBI, John Edgar Hoover, par un témoin qui prétend avoir vu la victime avec son possible assassin. C’est une lettre en réponse à certaines questions qui lui sont posées. Ce n’est pas la seule du genre, des tas de gens prétendent avoir vu ceci ou cela un peu partout. Il y en a même qui s’accusent d’être l’assassin pour un instant de gloire. La méthode de la police était de ne pas rendre public certains indices, afin de pourvoir confondre l’affabulateur. Un meurtrier doit en principe connaître le déroulement exact de son crime.


Lors de son premier mariage, George Hodel a eu un fille du nom de Tamar, née en 1935 et décédée en 2015, elle a un look à la Marylin Monroe. Elle accuse son père d’avoir commis un inceste avec elle. Hodel est arrêté. Ce n’est pas une rumeur, un retentissant procès a eu lieu à la fin de 1949. Lors de ce procès, il apparaîtra en décor de fond que la maison du docteur est un lieu dans lequel se déroulent non seulement des parties fines, mais aussi de véritables débauches au cours desquelles la sadisme est roi. Participent aussi John Houston, Fred Sexton, et Man Ray, ainsi qu’une pléiade de personnalités faisant partie du gratin de Los Angeles. Hodel est un manipulateur né, il parviendra à faire retourner les charges contre sa fille qui passera pour une affabulatrice, il est relâché. Il préfèrera quitter les USA, partira à Hawaï puis aux Philippines, ne revenant définitivement dans son pays que peu de temps avant sa mort.

Fiche de police pour George Hodel lors de son arrestation en 1949

John Houston, Man Ray, Fred Sexton

Une des preuves avancées pour la relation entre Man Ray et le cadavre du Dahlia noir. Il semble avoir été déposé dans une mise en scène macabre. A gauche le Minotaure de Man Ray et à droite la partie supérieure du cadavre coupé en deux, telle qu’elle a été découverte. Les bras ont la même disposition.


Dans son livre sur les résultats de son enquête, L’affaire du dahlia noir publié au Seuil en 2004, Steve Hodel dans un développement au fil du temps revisite le passé, le sien et celui des autres. En présentant des preuves qui semblent évidentes, tant au niveau de l’histoire que dans la présentation de documents photographiques, il avance l’hypothèse que son père est probablement l’assassin du Dahlia noir. Il est fort possible qu’il l’a rencontrée et attirée dans ses filets. Il serait même un tueur en série, une autre des hypothèses qu’avance Hodel Jr, reprenant les cas de meurtres non élucidés, avant ou après le célèbre crime. Son père n’a jamais vraiment été inquiété, mais il semblait aussi tenir son monde en respect par les histoires pas trop publiables qu’il s’avait sur eux, comme des histoires d’avortements par exemple, un crime à l’époque en Californie. Il faut aussi souligner que la police de Los Angeles durant ces années n’était de loin pas exempte de corruption. Elle était même très présente, ce qui valut pas mal d’ennuis à ceux qui ne voulaient pas fermer les yeux. Le départ de son père pourrait ressembler à une fuite et un aveu. Le livre est bien ficelé, il se lit comme un excellent polar dans lequel le coupable finit toujours par être démasqué, sauf qu’il s’git de personnages réels. Je ne vous en ai donné qu’un très bref aperçu.

Mais je vous dois encore quelque chose, le lien qu’il peut exister entre le Dahlia noir et la chanson des Mamas and Papas, alors voici. Michelle Philips, la blonde et seule membre encore vivant était une proche amie de Tamar, l’accusatrice de l’inceste. Elles se connaissaient bien, Tamar était une sorte de grande soeur pour elle, de presque 10 son aînée. Voici ce qu’elle dit d’elle dans son livre sur l’histoire du groupe:

Nous allions voir Tamar. Dès que j’ai eu posé les yeux sur elle, je sus que jamais encore je n’avais vu vu de fille aussi fabuleuse et chic. Ella avait une chambre d’une merveilleuse teinte lavande, avec des rideaux et des oreillers de la même couleur, des cendriers lavande à l’oxyde de plomb, tout ça, Je trouvai cela génial. Elle venait de s’acheter une Rambler rose et lavande à crédit.
Elle traînait avec des gens tout ce qu’il y a de plus dans le vent, Josh White, Dick Gregory, Odetta, Bud and Travis. Elle était incroyable, C’est elle qui me fournit mes premiers faux papiers et mes premières amphètes pour rester éveillée en cours lorsque je me couchais tard. C’était une fille comme je les aimais et nous sommes devenues très proches… c’était mon idole.

Avec cette description, nous sommes quand même loin de la fille bonne à rien et menteuse, comme la classait son père lors du procès. Il faut se rappeler que nous sommes à une époque où souffle un vent de liberté, ou presque tout est permis et innocent. Il n’est pas non plus étrange qu’elles se soient rencontrées, Tamar fréquentait les milieux du folk, elle fut même l’épouse du chanteur Stan Wilson, pas très connu chez nous mais qui écrivit des chansons pour le Kingston Trio. Et puis les noms que Michelle cite dans son texte, notamment Josh White, Odetta, sont une des incarnations connues de ce folk.
En 1967, George Hodel, lors d’une bref séjour en Californie, rencontra les Mamas and Papas alors en pleine gloire. Tamar, qui était présente raconte : « Quand j’ai présenté mon père à Michelle, elle a eu les yeux révulsés, l’a salué et lui a dit qu’elle avait l’impression de le connaître depuis l’âge de 12 ans. Je lui en avait tellement raconté sur son compte qu’elle pouvait l’affirmer. Michelle Philips déclara dans une interview plus tard à propos de cette rencontre : « Je savais qu’il devinait que Tamar m’avait raconté les pires choses sur lui. De la manière dont il me regardait je pensais qu’il avait envie de me tuer. »
Alors vous voyez qu’il existe bien un lien entre le Dahlia Noir et les Mamas and Papas.

Sources Wikipédia, archives, Steve Hodel pour certaines anecdotes.


En passant

Noël

Un conte de Noël

Histoire inédite spécialement écrite par votre serviteur pour les visiteurs de Bas Nylon Et Musique Rétro.

C’est Noël, Noël !

Une bise mordante balayait les rues de la ville, ce soir du 24 décembre. Peu à peu les rues se vidaient de leurs passants. Des paquets plein les bras,  ils allaient se préparer pour aller fêter la nuit de Noël, chacun à sa manière. Parmi ces gens anonymes, Noël s’en allait au hasard. Il maudissait ses parents qu’il n’avait jamais connus, qui l’avaient affublé de ce prénom qui lui paraissait si peu synonyme de réjouissances à ce moment précis. Pour lui, la fête se résumait à trouver un endroit qui lui permettrait de n’avoir pas trop froid, une gargote crasseuse ferait l’affaire. Il en connaissait bien une ou deux, dans des endroits pas toujours très recommandables, mais où il pourrait manger un repas honnête à moindre prix. En plus,  il espérait  y trouver quelqu’un avec qui il avait plus ou moins rendez-vous. Aujourd’hui, il avait quand même eu un peu de chance. Un libraire qui fermait boutique, lui avait demandé un coup de main pour charger quelques cartons de livres dans une camionnette. Il le gratifia d’une somme d’argent assez rondelette pour lui, peut-être pas de quoi faire un festin, mais il avait rarement autant d’argent dans ses poches. Jadis, il avait été une de ces idoles adulées le temps d’une saison, gagné à toute vitesse un tas d’argent qu’il avait dépensé encore plus rapidement. Il fut un roi vite déchu de son trône. Aujourd’hui plus personne ne le reconnaissait et tout le monde s’en foutait.  Il avait connu des fêtes autrement plus glorieuses que celle qui s’annonçait pour ce soir.

Alors qu’il déambulait dans une rue, il vit une jolie femme qui sortait d’une boutique. Elle avait les bras chargés de paquets. Elle voulut monter dans une voiture qui l’attendait, mais un paquet tomba sur le sol sans qu’elle semble s’en apercevoir. Noël courut vers la voiture pour l’avertir, mais la voiture démarrait déjà et s’éloignait sans qu’il puisse intervenir. Son regard s’attarda sur le paquet tombé, d’assez modestes dimensions.  A l’évidence, il s’agissait d’un cadeau en raison de son emballage dans un papier au luxe aguicheur. Il le ramassa et se proposa plus tard d’en examiner son contenu. Dans l’immédiat, il préféra s’éloigner au cas où quelqu’un pourrait avoir vu son manège. Il trouverait bien un coin tranquille où il pourrait à loisir voir ce qu’il contenait.
Le destin en décida autrement. Tandis qu’il se dirigeait vers son repère, une voix le héla:
– Hé Noël, viens un peu par ici!
Il connaissait bien cette voix, c’était celle de Lucie, une femme vieillie prématurément, mais qui gardait encore quelques traces d’une beauté qui avait dû attirer pas mal de regards en des temps reculés. Elle fut même mariée à un homme qui disparut sans laisser de traces. Tombée dans le besoin, elle se débrouillait tant bien que mal en habitant un taudis dans lequel Noël allait parfois quand le hasard le conduisait là plutôt qu’ailleurs. Comme il était plutôt bricoleur, il faisait les petites réparations et dénichait parfois un objet de quelque utilité pour améliorer le chiche confort des lieux. En échange, elle lui rafistolait un habit un peu trop abîmé, ou encore lui entretenait son linge dans la mesure du possible. Entre eux était né une sorte de complicité, qui frisait parfois la sentimentalité. Mais comme Noël était un foutu solitaire, il ne désirait pas s’engager plus envers elle, ce qu’elle semblait parfois regretter. Une misère plus une misère, cela ne fait que deux misères, tel était l’avis de Noël.


Il se tourna en direction de la voix et il eut de la peine à cacher un air de surprise. Lucie semblait avoir été métamorphosée. Elle était vêtue plutôt correctement avec des habits qui semblaient neufs. Elle était même maquillée, ce qu’il n’avait jamais vu auparavant. Elle arborait un petit sourire moqueur.
– Eh bien tu as gagné à la loterie?
– Mieux que ça, j’ai croisé la roue de la fortune!
– Tu te fous de moi?
– Mais non, je vais t’expliquer. Tu te souviens que j’ai été mariée. Figure-toi que mon mari a cassé sa pipe et que je suis son héritière pour une somme d’agent assez rondelette.
– Il était où?
– En fait pas très loin, il était parti au Maroc. Là-bas, il a plutôt bien réussi en créant une affaire d’import-export, il est devenu un monsieur. Il est mort d’un cancer il y a six mois en me léguant une partie de l’argent qu’il avait amassé. Il avait un associé, plutôt un homme de main. Il a mis une clause assez redoutable dans son testament. Il lui  laisse une partie de ses biens à condition qu’il retrouve mes traces, sinon il ne toucherait rien. A charge pour lui d’entreprendre des recherches, s’il voulait toucher sa part. Il avait un délai de deux ans, sinon tout irait à une oeuvre de bienfaisance. D’après ce que je sais, il ne s’est jamais remarié, je suis encore officiellement sa femme, enfin sa veuve. J’ai de la peine à croire que les remords aient parlé à sa conscience, mais je vois pas d’autres hypothèses. Son ami a fini par me retrouver.
Noël avalait ses paroles sans émettre le moindre commentaire. Il pensa juste que cette histoire allait provoquer un changement dans sa vie, il ne savait pas encore lequel. Il imagina volontiers que Lucie allait prendre ses distances, puis il se dit que le contraire pouvait aussi se produire. Fatalement, il attendait la suite.
– Ce soir, nous allons fêter ensemble, je te cherchais, j’ai préparé une petite fête, ce sera ton cadeau. J’habite depuis hier un appartement bien plus présentable. Mais tu as l’air d’avoir un cadeau avec toi, tu allais voir quelqu’un?
Noël sourit à cette pensée et il expliqua à Lucie dans quelles circonstances il l’avait eu et qu’il n’en connaissait pas encore le contenu. Elle sembla rassurée et il l’accompagna vers sa nouvelle résidence. Elle le conduisit dans un quartier nettement moins sordide et entra dans une maison d’assez belle apparence. Il y avait même un ascenseur dans lequel ils s’engouffrèrent. Finalement ils pénétrèrent dans un appartement au troisième étage. Noël eut l’impression d’entrer dans un palais. Il y avait bien longtemps qu’il n’avait pas vu un tel étalement de belles choses.

– Tu vois c’est gentil ici, tu es chez toi, installe-toi, je vais préparer la fête. Il y aura de tout et plus spécialement des choses que tu n’as plus mangé depuis longtemps. J’ai aussi pensé que tu voudrais te débarrasser de tes vieux habits, je t’en ai acheté des plus confortables et neufs. Tu les trouveras dans la salle de bains. Et comme je sais que tu aimes prendre un bain, tu peux en profiter, il y a tout ce qu’il faut, même l’eau chaude. Pas besoin comme avant de se laver au robinet d’eau froide.
Noël était aux anges, ainsi ce soir qu’il redoutait un peu prenait des allures de conte de fée. En songeant à son paquet, il ne sut trop qu’elle attitude adopter. Cet objet trouvé pas hasard lui devenait encombrant. Un peu plus tôt il était chargé de curiosité, de promesses, maintenant il  paraissait presque ridicule.
– Ce fameux paquet qui m’est tombé du ciel, eh bien tu vas l’ouvrir pendant que je prends mon bain. Si jamais son contenu t’intéresse, il est à toi. Ce sera mon cadeau improvisé.
– C’est d’accord, nous verrons quelle surprise il nous réserve.

Noël s’effaça dans la salle de bains. Il y trouva ce que Lucie avait posé à son intention, une tenue d’intérieur du plus bel effet. Pour l’instant ce qui lui importait le plus, c’était de se faire couler un bain. Même s’il pouvait s’afficher avec une barbe de plusieurs jours, il avait gardé une certaine divination pour le bain. A la limite, on aurait pu le payer en bains chaque fois qu’il effectuait un travail qui méritait salaire. Certains de ses compagnons de misère ne juraient que par une cigarette ou un coup de rouge, lui il s’éclatait dans la baignoire. Alors son bain, il le fit couler à ras du bord, sans ménager les produits qui allaient donner une senteur agréable aux vapeurs qui ne manqueraient pas de s’élever de la surface de l’eau. S’il avait pu, il aurait encore ajouté des épices comme si des cannibales l’attendaient à la sortie pour en faire leur repas de Noël. Il s’immergea avec délices dans l’eau presque bouillante, dame il voulait rattraper toutes les eaux froides qui avaient caressé désagréablement sa peau plus ou moins propre. Heureux, détendu, il s’endormit même quelques minutes dans un sommeil sans rêves. Même s’il avait rêvé à de belles choses, aucune n’aurait pu surpasser la réalité. Il serait resté des heures dans l’eau, si ce n’est qu’une autre sensation l’envahit, il avait faim. Il supposait qu’un repas de roi l’attendrait en sortant de la salle de bains. Entre regrets d’abandonner un délice pour en découvrir un autre, il se hissa hors de la baignoire. Lucie avait pensé à tout, il y avait même un rasoir et sans remords sa barbe hirsute disparut de son visage. En contemplant son visage dans le miroir, il se sourit à lui-même, certain qu’il n’avait pas besoin de se pincer pour savoir s’il rêvait ou non. Tout cela était bien réel, les habits qu’il portait, la douce température des lieux, la fête qui l’attendait. Finalement, il sortit et s’installa confortablement dans le salon pour l’instant désert. La voix de Lucie lui parvint par la porte entrouverte de la chambre voisine.
– Tu sais, j’ai ouvert le paquet et ce qu’il contenait ne risque pas de te laisser indifférent. Dans un minute, tu pourras apprécier un spectacle que tu n’as pas vu depuis longtemps!
Intrigué, Noël patienta. Quand il vit la porte s’ouvrir, il faillit avoir un arrêt de coeur. Lucie était à demi nue. Elle fit un tour de danseuse pour lui faire miroiter un porte-jarretelles retenant des bas noirs avec une couture. Une culotte assortie presque transparente cachait à peine son sexe, tandis qu’un soutien-gorge mettait en valeur une poitrine encore ferme et de belles dimensions. Quel spectacle!
– Et dire que je croyais que c’était des chocolats, avoua Noël.

– Oh si tu veux vraiment des chocolats, je peux aller t’en acheter, répondit Lucie avec un sourire moqueur.
Le passé de Noël ressurgit dans sa mémoire. Il en avait troussé des jupons quand il était une idole. Les filles qui l’acclamaient avait encore la bonne idée de porter des bas et des jarretelles. C’était loin, mais dans un tourbillon, il revoyait des dizaines d’images, les soirs après les concerts, quand il n’avait qu’à lever le petit doigt pour en emmener une dans sa loge. Il choisissait toujours celles qui portaient des jupes avec les jambes couvertes de nylon. Un ballet de jarretelles de toutes les couleurs, des noires, des blanches, des bleues. tournait devant ses yeux. Des bas de toutes sortes sur lesquels il promenait ses mains, des jambes qui ne demandaient qu’à s’écarter pour lui faciliter l’accès à des petites culottes qui ne demandaient qu’à s’enlever.
Après cet instant de rêveries accumulées, il n’eut plus qu’une idée, remettre ses mains sur des bas, se coller contre Lucie en promenant ses mains sur la bosse de ses jarretelles. Il devinait qu’elle ne demandait rien d’autre, qu’elle allait enfin avoir ce qu’elle cherchait depuis longtemps, les caresses de Noël dans une nuit à n’en plus finir. Elle l’avait piégé, il n’était même pas sûr que la boîte contenait réellement ce qu’elle portait, il s’en foutait.  Elle avait agi en connaissance de cause, il lui avait maintes fois raconté son passé de chanteur, ne cachant rien de ses petites fantaisies. C’était sa nouvelle fan, la première depuis  longtemps. Elle avait de l’argent maintenant, assez pour en faire l’idole d’un nouveau concert à chaque soir, un concert où il serait l’idole d’une seule fan. La seule qui ne le laisserait sans doute jamais tomber.
– Viens, dit-il simplement… 

En passant

Bas nylons et histoire sous forme de boulets

La guerre est aussi l’occasion de faire des bons mots et des actes qui n’ont rien à voir avec l’héroïsme. Je vais d’abord vous raconter une histoire personnelle, non je n’ai pas fait la guerre, mais elle m’a été racontée par un homme qui l’a faite, et qui n’a rien d’héroïque pour celui qui l’a vécue.
Lors de mes nombreux voyages en Italie, j’ai passablement séjourné au même endroit dans un petit village des Dolomites. J’ai fait la connaissance d’un ami de ma mère, un monsieur d’un très bon niveau culturel et qui parlait admirablement le français. Il avait d’ailleurs été une sorte de ministre de l’enseignement pour sa province. C’était aussi un homme très simple et très cordial comme savent l’être les Italiens avec leurs invités. On a parlé pendant des heures de tout, de politique, de société, de la vie, tout en sirotant des verres d’un vin blanc généreux qu’il adorait. et ma foi je ne crachais pas dans le verre. Il m’a alors raconté une anecdote de guerre. Pendant la seconde guerre mondiale, il fut mobilisé dans l’armée, il avait le grade de lieutenant. Appartenant une unité mobile, il fit la guerre en Lybie, un des territoires occupés par l’Italie. A partir de la fin 1940, l’armée anglaise contre-attaqua et cela commença a sentir le roussi pour les Italiens. C’est justement durant cette période que se déroula l’histoire. Cela ferraillait de tous les côtés et il y avait beaucoup de morts chez les Italiens, tant et si bien qu’à un moment il se trouva être le plus haut gardé encore en vie dans l’unité où il se trouvait. Alors il prit le commandement et s’installa au poste. Dans les papiers de son prédécesseur, il vit qu’il avait prévu de le nommer pour une citation. La proposition était faite, mais pas signée. Alors il la signa et l’envoya par la voir hiérarchique. Il me dit en rigolant : « Aujourd’hui (nous sommes en 1982/83) cette citation me rapporte encore aujourd’hui 5000 lires tous les mois ! Il fut capturé et passa le reste de la guerre dans un camp de prisonnier anglais en Inde. Il rentra en Italie en 1946.

A la guerre comme à la guéguerre

Le maréchal de Villars (1653 – 1734) fut un de ces guerriers qui n’avait, semble-t-il, pas froid aux yeux. Devant livrer bataille, il écrivit à sa femme pour lui demander de lui envoyer son fils, il était temps qu’il se forme aux joies de la guerre. Le fils n’avait de loin pas hérité de la même vaillance que son père. Il se fit prier, partit tout de même, et traîna tout ce qu’il put sur la route. Furieux le maréchal envoya un mot à sa femme : « Je vous avais priée de m’envoyer mon fils. Vous m’avez envoyé le vôtre. »
Le même s’offusqua quand il fut question qu’il étudie la possibilité de créer un conseil de guerre. Il fit connaître son avis . « Les conseils de guerre sont bons quand on cherche une excuse pour ne rien faire. »

Un boulot plein de boulets

La maréchal de Saxe, Maurice de Saxe (1696 – 1750) fut un autre de ces vaillants guerriers, aussi connu pour être l’arrière grand-père de George Sand, mais c’est une autre histoire. Il a aussi un petit côté mercenaire puisque ce n’est que tardivement qu’il se mit au service de la France après avoir écumé avec plus ou moins de réussite d’autres champs de batailles, en Russie notamment. Il était la tête de l’armée française quand elle remporta la bataille de Fontenoy. en 1745. Louis XV lui fit don du château de Chambord la même année.
Peut-être le saviez-vous, il ne commanda pas ses troupes à cheval en brandissant son sabre, pas du tout. Dans les dernières années de sa vie, il fut très malade et ne pouvait se déplacer qu’avec peine. C’est ainsi qu’à Fontenoy il se déplaça dans une carriole en osier, suçant une balle de fusil pour se distraire de ses douleurs.
Justement au cours de cette célèbre bataille, un capitaine français eut la main emportée par la mitraille. Il courut après en criant : « Ma bague ! Ma bague ! »
Quand il bataillait, par mesure de précaution il emmenait toujours son médecin avec lui. Lors du siège d’une ville, il fit mener son carrosse assez près des remparts pour aller faire une reconnaissance. Il descendit et dit à son médecin de l’attendre. Le médecin, sans doute peu féru en art militaire, se rendit quand même compte que la carrosse était à portée des canons ennemis, et que ce dernier était quand même plus visible qu’une paire de patins à roulettes. Il héla le maréchal :
– Mais, monseigneur, et le canon ? Je vois d’ici des canonniers prendre la carrosse pour cible avec moi dedans ! Le maréchal lui répondit : « Vous n’avez qu’à fermer les fenêtres ! »
Son régiment avait la particularité de comporter dans ses rangs une section de Noirs venus d’Afrique, une sorte de légion d’époque. Le curé de Blois célébra de nombreux mariages entre Noirs et Blanches, on dit aussi qu’il baptisa bon nombre de mulâtres quelques temps plus tard.
Ses troupes vinrent à manquer de vivres. Il apprit que des monastères cachaient dans leur cloitre tous les bestiaux du pays. Un monastère était alors, ça l’est encore aujourd’hui, un lieu où nul ne pouvait entrer sans y être invité, l’endroit était pratiquement sacré. Il fit alors placer à la porte des monastères un avertissement en latin, pour bien montrer qu’il ne s’adressait pas aux paysans du coin : « Canailles de moines, si vous ne rendez pas les troupeaux, je vous fais couper les couilles à ras du cul. »
Le lendemain, la troupe avait à manger. Cela lui fut d’autant facile de se battre au figuré contre des moines catholiques, car il était protestant et ne renia jamais sa foi. Louis XV le fit enterrer dans une église protestante à Strasbourg.
Parmi ses dernières paroles, on lui attribue la citation suivante : « La vie n’est qu’un songe; le mien a été beau, mais il est court ».

Le principal c’est d’avoir de la cervelle


L’histoire de la France et de l’Angleterre sont très souvent mêlées entre victoires et défaites. Cette appréciation est sujette à interprétation, tout dépend dans quel camp on se trouve au moment de l’événement. Une bataille qui ne tourna pas trop à l’avantage des Français fut celle de Malplaquet, au sud de Mons, le 11 septembre 1709. En réalité, les faits historiques disent que la France s’en tira avec beaucoup moins de pertes, mais ils cédèrent du terrain. Ce repli eut une bonne conséquence, il empêcha probablement la coalition ennemie d’envahir la France en faisant un barrage. Du côté des Français, ce sont les maréchaux Villars et Boufflers qui commandent. Du côté des coalisés, on retrouve le duc de Marlborough, né John Churchill (un ancêtre de Winston), et Eugène de Savoie. C’est d’ailleurs Marlborough qui inspira la célèbre chanson où il s’en va-t-en guerre. Elle fut écrite pour se moquer de lui alors qu’on croyait qu’il avait été tué à la bataille, alors qu’il s’en tira sans grands dommages.
Les Anglais ont toujours eu un sens de l’à propos qui peut en bluffer plus d’un. Lors de la bataille un neveu de Churchill se trouvait à ses côtés. Il reçut en plaine figure la cervelle d’un voisin atteint par un boulet.
– Eh bien, monsieur, dit Churchill, vous paraissez étonné.
– Oui, je suis étonné qu’un homme qui a autant de cervelle reste exposé gratuitement à un danger inutile !


Lors d’un siège, le duc de La Feuillade (1630 – 1691) ramassa un coup de pétoire en pleine poire. Les chirurgiens lui dirent tout de go qu’on lui voyait la cervelle.
– Ah parbleu, messieurs, prenez-en un peu et faites-là parvenir au cardinal de Mazarin qui m’a dit plus de cent fois que je n’en avais point.

Tres Morillas

Mediéval Espagnol

Une chanson datant de XVIe siècle d’un compositeur anonyme. Elle est d’origine espagnole et est encore aujourd’hui très populaire. Elle est interprétée de beaucoup de manières différentes, allant de l’art vocal lyrique à des interprétations dans le style des troubadours. J’ai choisi ce dernier genre avec un groupe hollandais, Datura Medieval Music, qui en fait une belle version. C’est le type même de chanson médiévale sans âge, elle aurait très pu être composée aujourd’hui.

Source gallica.bnf.fr / BnF / DP / Wikipédia.