Chansons cultes à la loupe – She’s Not There

23 061714-1

Peut-être en voyant la pub récente de Chanel vous vous êtes demandés quelle était la musique qui lui servait de fond. Mis en ligne il y a un peu plus de deux mois, elle totalise bientôt 6 millions de vues. Eh bien parlons de cette chanson, une des dix que j’ai le plus écoutées dans ma collection. Elle a juste 50 ans et de beaux restes.
J’avais cet article « en réserve » depuis longtemps, voici le moment opportun de le partager. Et puis rêvons un peu, j’avais écrit un article sur le groupe dans les premiers que j’ai écrits sur ce blog, il est toujours en ligne  Les Zombies  peut-être un visiteur aura trouvé que cela ferait un bon fond pour la pub de Chanel. Si c’est le cas, j’aurai enfin rendu à cette chanson ce que je lui dois. Quelques millions de passages à quelques centimes, cela doit commencer à faire pas mal d’argent. A propos d’argent, c’est justement le nom du compositeur.

Mais partons à la découverte…

C’est un des plus grands classiques des sixties, une chanson qui a engendrée des dizaines de versions par autant d’artistes à travers le monde. Elle se démarque passablement de la production courante de l’époque par le son et le rythme et surtout la voix du chanteur. Au départ, personne n’y croyait, pas même le compositeur et claviers du groupe Rod Argent. Mais voyons un peu les débuts de l’histoire, celle des Zombies, le groupe qui l’a enfantée.

C’est la banale histoire de tant de groupes qui débutent. Nous sommes à St Albans, banlieue londonienne. Il y a bien sûr des écoles, fréquentées par cinq garçons qui font aussi un peu de musique pendant les loisirs. Nous trouvons parmi eux, Rod Argent, claviers; Colin Blunstone, chant; Paul Atkinson, guitare; Chris White, basse; Hugh Grundy, batterie. Tous ont entre 18 et 20 ans, Nous sommes en 1963 et le groupe qui choisit de se nommer Zombies se présente à un concours en interprétant une version du classique de Gershwin, « Summertime ». Ils remportent le premier prix dont la récompense est l’enregistrement d’un disque pour la firme Decca. Une fois dans les studios, il faut choisir le matériel qui composera les deux faces du 45 tours. C’est le sujet d’une grande discussion. Dans le groupe, il y a deux compositeurs, Rod Argent et Chris White, qui ont déjà écrit au moins une chanson. L’idée à Rod Argent est d’enregistrer la chanson qui leur a permis de gagner le concours, il est assez fan de musique classique. Le producteur est d’un avis contraire, et préfère de loin le titre que Argent a écrit « She’s Not There », justement. C’est celle-là qui est mise en face A, couplée avec un composition de Chris White « You Make Me Feel Good ». Decca a raison, le disque se classe dans les charts anglais, mais ne monte pas plus haut que la 12ème place. Le disque est publié aux USA sous licence par Parrot et les choses commencent à bouger, le disque commence de monter à l’assaut du hit parade. Dans une ville, on peut soutenir une équipe de foot, mais à St Albans, on suit la progression de la chanson dans les classements, l’honneur anglais est en jeu. Au final, il est 2ème au Billboard et 1er au Cashbox. Cela finit par mettre la chanson sur orbite, lui assurant un retentissement international. La légende peut commencer.

Il y a deux ou trois choses à savoir sur cette chanson. Il y a une nette différence entre la version mono et stéréo (utilisée pour la pub Chanel). Le version mono est plus « brute », les frappes de la batterie sont différentes. C’est toujours cette version là qui sert de référence pour l’histoire, c’est elle qui fut diffusée par les radios. Les influences du jazz sont évidentes dans la chanson. La voix du chanteur, que je qualifie de fantômatique est un des ingrédients essentiels de son succès. C’est un titre à l’ambiance étrange, assurément quelque chose d’assez inédit jusque là.

Depuis 1964, elle n’a jamais été oubliée par tous ceux qui furent sous son charme. Si d’aventure ils sont musiciens pratiquants, il y a de fortes chances pour qu’ils en fassent leur propre interprétation. En dehors des versions spontanées qui furent faites immédiatement après, instrumentalement par les Ventures notamment, il y a toutes les autres. Pour la France, Noel Deschamps en fait « Te Voilà », repris en 1969 par la chanteuse Pussy Cat. Deschamps en fait également un version en italien, basée sur celle du combo italien I Kings, elle même enregistrée plus tard par Colin Blunstone lui-même. Deux groupes canadiens firent aussi leur propre version, les Bel Canto, « Les Filles D’Eve » et les Del Hir  » On M’a Souvent Parlé D’elle ». Pour l’Allemagne, Michael & Firebirds « Lass Sie Gehen », Michael est le futur chanteur de Los Bravos. En 1967, Vanilla Fudge, groupe très prometteur, la met sur son premier album avec un goût psychédélique. Le groupe garage punk The  Litter, en fait la première longue version de plus de 9 minutes. En 1969, Neil Mac Arthur qui n’est autre que Colin Blunstone, en fait une version très pop, elle se classe dans les charts anglais. En 1977, c’est un hit pour Santana, le titre est dans son optique afro-cubaine. Il y a une version punk par UK Subs en 1979. Et ainsi de suite, l’aventure continue…

On peut toujours relire mon article sur le groupe pour une histoire plus détaillée

Les Zombies

Un aperçu de diverses interprétations

L’original en playback dans la version mono

La version stéréo, c’est différent avec un charme moindre

La version italienne de Noël Deschamps

La version française de Pussy Cat en 1969, assez bien réussie

La version de Vanilla Fudge

La version de The Litter

Neil Mac Arthur aka Colin Blunstone en 1969

La version de Santana en 1977

La version punk par UK Subs

En instrumental et en surf

Plus moderne mais excellent, Nick Cave et Neko Case

Peut-être la consécration suprême pour un compositeur, entendre sa musique par un orchestre symphonique.

Les Zombies actuels avec Rod Argent et Colin Blunstone

 

Les Zombies – Toujours en vie!

18 122513-5

Quand on goûte un plat pour la première fois, on peut trouver cela bon ou mauvais. S’il nous paraît bon, force est qu’on va continuer à le manger, des dizaines de fois, des centaines de fois. A la longue, on va trouver que celui que l’on a mangé ici est meilleur que celui que l’on a mangé.

En musique c’est un peu la même chose, pour autant que l’on aie des points de comparaison entre un grand nombre d’artistes, on va plus apprécier un artiste pour un titre, plusieurs, l’entier ou presque de leur discographie. A travers ma collection de disques,plutôt abondante, j’en arrive au même résultat. Il y a des artistes qui se détachent du lot, qui font partie de ceux qui reviennent constamment, qui ne sombrent jamais dans l’oubli. Dans ceux qui font partie de la « British Invasion », terme générique employé par les spécialistes pour désigner les artistes anglais qui partirent à la conquête du monde avec leur musique dans les années 60, il y en a une dizaine qui furent des géants. Les Zombies en font assurément partie

18 122513-3
En 1963, une bande de collégiens entre 18 et 20 ans tournent avec un groupe qu’ils appellent the Zombies. Il sont composés de Colin Blunstone, chanteur; Rod Argent, claviers; Paul Atkinson, guitare; Chris White, basse; Hugh Grundy, batterie. Vainqueurs d’un crochet amateur, il gagnent le droit de pénétrer dans les studios Decca à Londres, pour enregistrer un disque. L’idée de Rod Argent est d’enregistrer une reprise du classique « Summertime », chanson qu’il adore. Sur les conseils de la production, ils enregistrent une composition de Rod, « She’s Not There ». Le disque se comporte honorablement en Angleterre où il se classe 12ème. La publication du simple aux USA entraîne un vent de folie et il se classe 1er au Cashbox et second au Billboard. Ils débarquent sur le continent américain où ils deviennent des stars d’un jour à l’autre. Ce hit devient un des plus grands classiques des sixties. Le second simple, une composition de Chris White « Leave Me Be » passe plus inaperçu. Le troisième « Tell Her No » les ramènent dans le top ten US. La suite est plus hasardeuse, les titres suivants, bien que acclamés par le critique qui pour une fois ne se trompe pas, ne rencontrent pas de gros succès. Un premier album « Begin Here » passe assez inaperçu. Un simple destiné au marché US « I Want You Back Again » devient contre toute attente un hit en France, 3ème dans le hit parade de SLC. Le cinéaste Otto Preminger les contacte pour apparaître dans le film « Bunny Lake A Disparu », dans lequel ils interprètent deux titres dont le fameux « Just Out Of Reach ». Cela n’influence pas le cours du succès. En 1967, lassés par le peu d’enthousiasme de Decca pour relancer leur carrière, ils quittent et signent avec CBS. Un liberté totale de création, compensée par un manque quasi total de soutien financier, leur permet de mettre en route des séances de studio qui aboutiront à la parution de l’album « Odessey And Oracle. C’est un chef d’œuvre incontestable, une création qui rivalise sans peine avec les meilleurs moments discographiques de cette époque et fait même de l’ombre au fameux « Sgt Pepper » des Beatles. Faisant la part entre un psychédélique à la sauce anglaise et des morceaux plus intimistes, il est tardivement mis sur le marché alors que le groupe est officiellement séparé. Des simples en sont extraits et passent inaperçus. Mais au début 1969, l’un d’eux, « Time Of The Season », commence à monter dans les charts US et rate de peu la première place. L’intérêt pour les Zombies est complètement relancé, mais le groupe n’existe plus et ne se reforme pas. Rod Argent a mis au point une nouvelle formation, Argent, qui connaîtra quelques succès. Colin Blunstone fera aussi une carrière assez honorable, il profite de ce regain de succès pour enregistrer une version pop de « She’s Not There ». Le titre se classera dans les charts anglais. Chris White sera un homme de studios et il semble avoir contribué à l’avènement de Dire Straits. Paul Atkinson devenu manager aura Abba dans ses mains. A la fin des années 80, une reformation sans Rod Argent, qui participe quand même, leur permet de publier un nouvel album « New World ». Depuis quelques années, Argent et Blunstone ont repris le nom du groupe et continuent à tourner sous ce nom et enregistrer de nouveaux titres. Ils ont donné un concert en hommage à Paul Atkinson décédé en 2004 aux USA.
Avec le recul, la carrière des Zombies doit être considérée comme celle d’un groupe exceptionnel, l’un des meilleurs des sixties. Le succès assez facile des débuts ne doit pas faire oublier qu’ils n’ont jamais sombré dans la facilité. Certains de leur titres, peu abordables lors d’une première écoute, révèlent tout le bonheur de leurs visions musicales. C’est comme un jeu de mots dont on ne saisit pas tout de suite la subtilité, mais qui nous fait mourir de rire lorsque l’on en a compris le sens. A redécouvrir d’urgence.

18 122513-2A St Albans on oublie pas les Zombies

18 122513-1

Les quatre membres originaux  restants lors de la  réunion pour l’inauguration de la plaque commémorative

Colin Blunstone (à gauche); Rod Argent (3ème); Hugh Grundy (6ème); Chris White (7ème)

Curiosités françaises

Adaptations françaises du répertoire des Zombies

Le recordman est Noël Deschamps, il en a repris cinq

Te voila – She’s Not There

Souviens toi que moi je t’aime – I Remember When I Loved Her (superbe version, surclasse même l’original)

Je l’attends – The Way I Feel Inside

La vie est un combat – I Want You Back Again (le hit français des Zombies)

L’inflexible – Is This The Dream

Les autres:

Franck Alamo – Dis-lui non – Tell Her No

Gillian Hills – Rentre sans moi – Leave Me Be

Les Bel Canto – Les Filles D’Eve – She’s Not There (Canada)

Les Del-Hir – On m’a souvent parlé d’elles – She’s Not There  (Canada)

Pussy Cat – Te voila – She’s Not There (reprise de la version de Noël Deschamps)

Discographie française années 60

18 122513-4

Dans l’ordre chronologique les publications françaises des années 60. Ce sont toutes des pièces assez difficiles à trouver, le premier étant, à mon avis, le plus courant. Assez bizarrement, le hit français n’a pas eu vraiment de suite officielle, sinon le EP du film « Bunny Lake A Disparu » sur RCA, mais qui fut toutefois sorti en 2 titres par Decca. C’est plus à considérer comme une musique de film, c’en est une, que comme un disque des Zombies. Par contre, je me souviens d’avoir entendu à Salut les Copains, « Going Out On My Head », qui ne semble jamais avoir été publié en pressage français. Il manque en illustration, le simple avec « Imagine The Swan », publication postérieure à « Time Of The Season » pour profiter du succès retentissant et inattendu de « Time Of The Season ». Ce n’est que partiellement enregistré par les membres originaux.

Aperçu musical

L’immortel

Le second hit

Le tube inattendu de 1969

Superbe titre

Le hit français, aux relents jazz, 3ème à Salut les Copains en 1966

Un titre fabuleux

18 122513-6

Sorti en 1965 en Angleterre dans une indifférence presque générale, il a le mérite d’exister. Magnifié par un pochette dont Decca avait le secret, c’est un album très recherché, un panachage des possibilités éclectiques du groupe. Bien plus rare que son pendant américain, il est souvent proposé dans sa réédition sur Ebay, souvent de manière trompeuse par le vendeur. L’édition originale a obligatoirement le label rouge, lettrage argent comme illustré ci-dessus. De plus l’édition originale a le numéro de catalogue LK 4679, écrit en petits caractères en haut à gauche.

Ecouter sur YouTube, l’intégrale de l’album

18 122513-8

Le second et fantastique album, hyper rare dans sa version originale anglaise.

Ecouter sur YouTube, l’intégrale de l’album et quelques bonus

Deux documents rares pour la tv française, le premier est un titre qui n’existe pas dans la discographie