Léo coeur de nylon (43)

Léo, un ancien chanteur de charme devenu tenancier de bistrot, est un amoureux et inconditionnel du bas nylon. Il se rappelle avec nostalgie d’une époque où toutes les femmes portaient des bas et de toutes les coquineries que son status de vedette lui permettait pour assouvir sa passion, notamment les nombreuses photos qu’il prenait de ses conquêtes. Un soir, une dame en bas coutures pénètre dans son établissement. En observant ses chaussures, il remarque un détail qu’il avait jadis imaginé pour une de ses conquêtes. Les souvenirs envahissent les pensées de Léo. Il se souvient de sa rencontre avec un ministre et de la belle Léa, sa secrétaire. Mais les pièces d’un étrange puzzle s’assemblent peu à peu dans son esprit. Après une enquête personnelle, il relance la piste sur le meurtre d’une de ses anciennes compagnes jamais élucidé. Il informe la police qui semble très intéressée. Avec son ami Marly et sa compagne, il continue son enquête personnelle au fil de ses souvenirs, tout en n’oubliant pas de raconter quelques anecdotes et situations cocasses où toutes ses anciennes conquêtes défilent en bas et en porte-jarretelles. Alors qu’il est en conversation avec ses amis, un inconnu entre dans le bistrot et l’informe qu’il est le demi-frère de son ancienne amie tuée. Apportant des informations inédites, il veut aussi éclaircir cette sombre histoire. Il affirme qu’il croit savoir où se cache un personnage clé que la police recherche. Ses informations lancent une piste en Espagne. Ils attendent des informations, tout en écoutant Léo partir dans une nouvelle histoire

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Il décida que son auditoire était assez grand pour qu’il connaisse la suite dans son intégralité. Il se doutait bien, depuis le temps qu’il écoutait ses histoires, que cela ne s’arrêtait pas au simple fait d’admirer des jambes parées de bas. Au pire, il n’y avait pas de quoi faire trembler la maison, mais autant il pouvait être prolixe pour tous ce qui concernait directement le bas nylon et ce qu’il pouvait en apercevoir selon les circonstances, autant ce qui touchait son intimité constituait son jardin secret.

La tablée était repue, les assiettes vides mais les ventres pleins. Inutile de proposer encore une ration, elle aurait été de trop, la gourmandise a ses limites. Seiler et Léo allumèrent des cigarettes, complément indispensable à tout bon repas chez les fumeurs. Léo pouvait repartir dans ses souvenirs.

– Après lui avoir dit que voir ses bas et ses jarretelles m’avaient mis de bonne humeur, Yolande enleva carrément sa robe. Ainsi, j’avais un panorama qu’un touriste amateur d’un joli point de vue n’aurait pas renié. Je ne pus m’empêcher de partir à la découverte tactile du nylon sur ses jambes. J’ai toujours été friand de cette sensation. Je sais, et vous aussi messieurs, que le toucher du nylon est différent d’un bas à l’autre. Je n’ai pas vraiment un mot qui convient pour dire quelle sensation je préfère, il y en a qui me plaisent plus que d’autres. C’est un peu comme toucher une étoffe, la douceur d’une soie ou celle d’un simple chiffon, la soie est incontestablement plus agréable. Eh bien, pour les bas, j’éprouve les mêmes différences.

Isabelle leva le doigt comme une écolière pour demander la parole. Léo lui sourit en pensant qu’elle avait quelque chose intéressant à dire et fit signe de parler.

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– Si vous voulez un avis féminin, et même si vous ne voulez pas, je le donne quand même. Je dirais que vu de l’intérieur, si je puis employer l’impression, je constate un peu les mêmes choses. Il y a des bas que je préfère à d’autres. J’en ai essayé bien des sortes, mais je préfère nettement ceux fabriqués dans les années 50 ou avant, contrairement aux bas fabriqués aujourd’hui, ceux que l’on nomme bas mousse. Ils sont plus extensibles, mais quand on croise les jambes, ils glissent peu, même s’accrochent. Les anciens glissent et souvent crissent, musique qui je crois plait bien aux hommes.

– Ca, interrompit Léo, pour moi c’est la plus belle des chansons, c’est du Mozart, ni plus, ni moins !

– Je n’ai jamais envisagé de porter des bas musicaux, mais Marly m’en a fait plusieurs fois la remarque, ça l’excite un peu, pour ne pas dire beaucoup.

– Je dois dire qu’elle ne me trahit pas en affirmant cela, c’est vrai je le lui ai dit plusieurs fois.

– Les bas de Yolande ne jouaient pas de musique particulière, avec le bruit de la grêle sur le capot il aurait été difficile d’en saisir la mélodie profonde. Si mes mains s’attardaient sur ses jambes, les siennes ne restaient pas inactives. Elle commença par déboutonner ma chemise et promener ses mains sur mon torse en appuyant le geste, puis mit sa tête contre ma poitrine. Je sentais son parfum qui m’arrivait en effluves diffuses. Je n’en connaissais pas le nom, jamais respiré auparavant, mais peu m’importait il était si enivrant.

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L’évocation des souvenirs semblait mettre Léo sur un nuage, mais quand même avec une petite ombre de doute. En promenant son regard de l’un à l’autre, il cherchait à savoir si cela plaisait ou pas. Bizarrement, il avait toujours besoin d’être rassuré. Même si on lui aurait offert une fortune pour les raconter, et qu’au bout de trois heures personne ne dormait parmi l’auditoire, il aurait encore cherché cette certitude. Il est vrai qu’au temps de sa splendeur, sa voix suffisait à conquérir les foules, nul autre besoin de mots sans musique pour séduire. Devenu un anonyme, il se sentait comme un peintre de génie qui aurait perdu ses bras, il devait manier le pinceau avec la bouche. Il lui restait l’imagination créative, mais un palliatif pour la mettre en œuvre. Sa petite inspection silencieuse terminée, rassuré, il repartit sur son nuage.

– Comme je l’ai dit tout à l’heure, la situation était plaisante, un peu trop pour moi qui aimait ne pas trop sauter les étapes. Je crevais d’envie d’aller plus loin, j’étais excité comme un pou. Je ne sais pas comment ni pourquoi, une petite lumière s’alluma dans mon esprit. Tout cela me semblait trop beau, trop facile. Je pouvais ramasser des femmes à la pelle, elles ne demandaient que cela. Au départ, j’avais sincèrement envie d’ajouter Yolande au palmarès de mes conquêtes, mais là au milieu de nulle part, sous un orage d’enfer, un doute s’installa. Ce doute ne venait pas comme ça d’un coup, il y avait une raison. Yolande avait fini comme secrétaire dans ma maison de disques. Quand je dis fini, je dois préciser ce qui arriva avant le fini. Et ce n’est pas triste…

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A suivre