Bas nylons, des livres et des vacances

Nous allons des aujourd’hui entrer dans la période des vacances. Selon mes habitudes estivales, je vais passer en mode d’été avec le blog. Cela signifie surtout que les articles paraîtront de manière moins régulière. Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura rien, bien au contraire, mais il pourra y avoir un article deux jours de suite et plus rien pendant cinq jours. Enfin vous avez compris. Bonnes vacances à ceux qui en prennent et restez à l’écoute…

A part écouter de la musique, lire de la BD, les livres ne sont pas la moindre de mes occupations. Je fonctionne un peu pour ce qui est de lire comme pour la musique. Quand j’écoute une chanson nouvelle, au bout de 20 à 30 secondes si je n’ai pas décollé, c’est râpé. Les 10 ou 20 premières pages d’un livre sont essentielles, c’est elles qui feront que je lirai le livre ou pas. Je parle évidemment de livres dont le sujet ou le contenu m’est inconnu, ce que l’on peut ranger dans le roman ou la littérature. Je vais très probablement lire un livre qui traite de musique ou d’histoire, vu que je l’achète exprès pour cela, sinon je serais un peu idiot de l’acheter.

Une chose qui j’ai en commun avec la musique, certains titres reviennent souvent. Il y a indubitablement une différence entre un livre de 500 pages et une chanson de 3 minutes, on ne peut pas y écouter un disque ou lire un bouquin à la même fréquence. Une même musique peut s’écouter des milliers de fois, dans le cas du livre cela se résumera à quelques lectures. Il y a quand même un phénomène commun, c’est toujours un peu les mêmes qui reviennent ou qui risquent de le devenir tellement la première lecture ou écoute fut passionnante.

Comme nous allons aborder la période des vacances, propice à le lecture, voici quelques uns de mes livres dit de chevet.

Le Tunnel – André Lacaze – 1978

J’ai beaucoup lu de livres sur la déportation, mais pour moi celui-ci est un des meilleurs, sinon le meilleur. Il sort des clichés habituels de ceux qui sont des témoignages de déportes. On pourrait dire que quand on en a lu un, on les as tous lus. Il est vrai que si les méthodes d’exterminations nazies varient peu d’un lieu à un autre, le contexte peut être différent, très grands camps, camps moyens, petits camps, situation géographique, psychologie des bourreaux, font que chaque camp est unique avec sa propre histoire. En cela le livre de Lacaze est différent.

Beaucoup de ces livres sont des témoignages personnels et l’auteur parle à la première personne. Résistant déporté en 1943, André Lacaze (1918-1986) se fait le narrateur des personnages du livre qui furent ses compagnons de misère, jamais il ne parle de lui, il les observe. A une exception près il sont tous cachés derrière un pseudonyme, sauf les Nazis souvent affublés d’un surnom moqueur. En plus c’est un écrivain savoureux qui adopte l’argot pour l’écriture. On se croirait parfois plus en plein Paris que dans un coin perdu des l’Autriche. Et n’hésitons pas à le dire, c’est un vrai polar, plein de rebondissements, de faits horribles, même l’humour parvient à se glisser de temps en temps entre deux descriptions parfois presque insoutenables. Les deux premiers tiers du livre sont particulièrement durs pour un lecteur non averti. La fin est plus nuancée. Les nazis sentent le vent tourner et commencent à composer avec les déportés dont certains sont des gars du milieu, encore plus marioles que les bourreaux à tendance pédés qui se voient déjà régner dans un bordel de Pigalle, du moins c’est ce qu’on leur fait miroiter.

Le récit : en 1943, les Nazis pour des raisons stratégiques, se décident à percer un tunnel routier entre l’Autriche et la Yougoslavie à travers la chaîne de Karawanken, au col de Loibl. Pour cela ils sélectionnent au camp de Mauthausen quelques centaines de déportés principalement français. Arrivés sur place, ils comprennent qu’ils devront percer un tunnel avec très peu de moyens, sinon la force des muscles. Deux équipes, l’une au nord l’autre au sud, commenceront le percement du tunnel qui aura 1570 mètres de long. C’est l’histoire de ce tunnel et de son percement que raconte Lacaze de manière brillante, mais qui relève de la tragédie plus que de l’urbanisme.

Le train de la mort – Christian Bernadac – 1970

Encore un récit sur la déportation, mais qui est lui-aussi très particulier, hors contexte pourrait-on dire. Il a été écrit par Chistian Bernadac (1937-2003), auteur de plusieurs livres sur la déportation en arborant des thèmes précis. J’ai toujours un peu regretté que cette histoire n’aie jamais servi pour en faire un film. Difficile de faire un film sur un camp d’extermination réaliste, il faudrait trouver des acteurs qui pèsent 35 kilos avec une taille normale, transformés en squelettes par les privations, complètement hagards ou encore à moitié fous. Ici pas besoin de tout cela, il suffit de personnes normales, personnes qui seront soumises à la barbarie nazie, et qui en crèveront pour une partie d’entre-elles.

Le récit : nous sommes au début juillet 1944, le débarquement a eu lieu presque un mois avant. Pour autant la France n’est pas libérée, les Allemands occupent encore l’est de la France et encore Paris. Mais ils sentent que cela ne va pas durer et qu’il est temps de mettre les voiles. Ils ont encore des zones d’influence, dans lesquelles des milliers de prisonniers pour diverses raisons sont encore détenus. Une de leurs craintes est que ces prisonniers soient libérés et servent dans les rangs des libérateurs. Un des principaux lieux de tri et de transit pour les prisonniers en direction de l’Allemagne est Compiègne, plus précisément au camp de Royallieu, A partir de 1942, des trains partent de la gare de Compiègne en direction des camps de la mort. Les conditions de voyage dans ces trains sont loin d’être idéales, mais on est encore loin de celles qui prévalurent dans le train 7909 qui partit le 2 juillet 1944 au matin. Sous l’avance alliée, il faut à tout prix évacuer en vitesse le maximum de prisonniers. On entasse à 100 par wagon 2000 prisonniers dans une obscurité presque totale, seules deux impostes munies de barbelés sont ouvertes. Il est impossible de s’asseoir. Ils ont un seau ou deux pour les besoins, un petit tonneau d’eau, et chaque prisonnier une boule de pain pour le voyage. Jusque-là, tout en étant loin d’être idéales, les conditions du voyage sont ce que l’on pouvait attendre des Nazis, mais tout va basculer assez rapidement dans l’horreur. Le réseau ferroviaire est déjà bien mis a mal par les bombardements et la résistance, c’est un espoir des prisonniers, que le train n’arrive jamais en Allemagne. Mais ce qui va le plus transformer le voyage en cauchemar, c’est la météo. Ce jour-là, il fait beau, le soleil tape dur. Les wagons deviennent vite des fournaises, l’air irrespirable. Ce qui aggrave encore la situation sont les  nombreux arrêts, les convois militaires ont la priorité. Le soif est intense, la réserve d’eau vite épuisée. Dans certains wagons, cela tourne à la tragédie, des hommes se battent, il y a des scènes de folie, des meurtres. La train finira quand même par arriver au camp de Dachau, quatre jours plus tard. On compta plus de 500 morts à l’arrivée.

Christian Bernadac a refait le voyage de ce train en retrouvant plus de 300 témoins, les prisonniers survivants, le personnel ferroviaire qui le vit passer, des témoins qui ramassèrent des billets jetés du train pour informer une femme, un parent, un ami. Il narre l’histoire au fil des heures, wagon par wagon, lieu par lieu. A noter que dans le train se trouvait un personnage qui devint célèbre par la suite, l’accordéoniste André Verchuren. C’est encore une fois un livre poignant qui occupe une place particulière dans les livres sur la seconde guerre mondiale.

L’intelligence des plantes – Stefano Mancuso / Alessandra Viola – 2018

Nous venons de voir avec les deux livres précédents que les homme sont parfois très cons. Avec celui-ci, on pourrait presque se poser la question de savoir si les plantes ne sont pas plus intelligentes. Le débat est ouvert avec ce livre, récent succès de librairie et qui vaut le détour. Je me suis toujours un peu douté que la nature avait des règles et des comportements qui nous échappent. Le première évidence à la lecture du livre, c’est qu’il nous faut admettre que si elle nous a donné certaines facultés, elle a tout autant décidé de nous en priver d’autres. Et c’est justement certaines de ces autres facultés qui gouvernent le monde végétal, et qui font de lui une sorte d’autre dimension dans laquelle les règles ne sont plus les mêmes, règles qui sont nécessaires à la survie en appliquant des lois différentes. Je ne vais pas raconter le livre passionnant de bout en bout, mais juste une ou deux remarques pour aguicher. Croyez-vous que la plante du fait qu’elle ne peut pas se déplacer ne sait pas faire face à un danger? Eh bien non, elle est très capable de se débrouiller pour y faire face. Nous, on prendrait la poudre d’escampette, elle, elle agit autrement. Vous pensez que la plante est incapable de mouvement spontané, qu’elle est immobile, qu’elle ne bouge qu’agitée par le vent? C’est faux, vous savez sans doute qu’il existe des plantes carnivores. Ces plantes qui poussent dans des milieux arides ont besoin d’un apport extérieur pour survivre, comme les mouches par exemple. Diverses espèces sont munies dans leur partie supérieure d’une sorte de piste d’atterrissage, munie de tiges qui ressemblent un peu à un piège à loups. Si un insecte se pose, le piège se referme instantanément sur la victime l’empêchant de s’échapper. Ce mouvement est très rapide, presque autant que celui du piège qui se refermera sur la patte d’un loup. De plus, vous pouvez y mettre un caillou, un mégot de cigarette, ou simplement votre doigt, la plante ne bougera pas, elle n’est pas idiote. Croyez-vous que les plantes aiment être dérangées pour rien? Encore une fois non. La plante est très capable d’identifier ce qui sera utile pour sa perpétuation. Les abeilles sont les bienvenues, car la plante « sait » qu’elle va lui permettre d’étendre son territoire grâce au pollen. Un moustique sera chassé par répulsion car il est inutile à sa survie. Donc la plante est capable de faire la différence entre ce qui est pour elle le bien et le mal. Pour terminer deux questions avec réponses oui ou non, qui vous donneront certainement l’envie d’en savoir plus. Les plantes sont capables de prédire l’avenir, du moins en ce qui les concernera directement? Réponse oui. Y-a-t-il des plantes que l’on pourrait traiter de flemmardes? Réponse oui. La suite dans toutes les bonnes librairies…

Les survivants – Piers Paul Read – 1974

L’histoire est bien connue, c’est celle de cet avion qui se crasha dans les Andes en 1972, dont les survivants durent manger les cadavres des victimes afin de survivre. C’est un livre particulier, sans doute un des plus touchants que j’ai lus. Au contraire d’un récit sur la déportation où l’on trouve une volonté évidente de nuire à l’homme, de le confronter à la mort avant sa cause naturelle, ici il n’y a rien de tout cela. C’est la fatalité, probablement due à une erreur de pilotage, qui vous met en face de la mort. Après quelques jours d’espoir, durant lesquels ils espèrent qu’on viendra les secourir, la réalité les rattrape, personne ne viendra. Commence alors un combat pour la vie dans un microcosme où l’on retrouve réduit à un ou deux exemplaires, un aperçu de divers caractères que l’on peut croiser dans la vie de tous les jours. En extrapolant, on peut imaginer que ce sont les premiers habitants de la planète et qu’ils doivent créer une société dont le but premier est de survivre en établissant des règles qu’ils doivent trouver ou inventer, avec l’avis et la personnalité de chacun et surtout les moyens à disposition.

Le récit : en octobre 1972, un avion uruguayen transporte une équipe de joueurs de rugby, ainsi que des membres de leurs familles, afin de disputer un match au Chili. Le franchissement de la Cordillère des Andes est toujours quelque chose d’assez aventureux, certaines montagnes avoisinent les 7000 mètres, de plus il est assez difficile de la contourner car elle fait 7000 km de long. Le jour du voyage, la météo est assez exécrable ce qui les oblige a patienter un jour avant que les pilotes se décident de tenter le vol. L’avion heurte une montagne et s’abat dans une vallée enneigée à 3500 mètres d’altitude, il y a 33 survivants.  Les lieux sont absolument déserts et il n’y pousse pratiquement rien, la nuit la température descend à -30 degrés. Ils n’ont pas vraiment d’habits chauds, ni de quoi faire du feu, les vivres consistent en quelques biscuits et bouts de chocolat, il n y a donc pratiquement rien à manger. Pour seul abri, ils ont une partie du fuselage. Par malheur, l’avion est peint en blanc le rendant difficilement repérable, mais même dans une couleur voyante, l’exploration de ces innombrables vallées alpines reste extrêmement périlleuse pour essayer de le retrouver. Il faudra 70 jours pour que deux des survivants parviennent à entrer en contact avec un paysan chilien après 10 jours de voyage à la limite du possible, et secourir les 14 personnes encore en vie restées sur place.

Ce livre n’est pas écrit par les survivants, mais d’après leurs témoignages. Il n’en reste pas moins que celui qui l’a écrit a reconstitué de manière très poignante les faits de cette histoire exceptionnelle, dans un monde où l’on pouvait croire que l’aventure pure appartenait au passé. Le livre est cent fois supérieur au film qui en a été tiré trois décennies plus tard, qui m’a laissé complètement froid. Pour être honnête, je n’ai jamais vu un film tiré d’une oeuvre littéraire, où j’ai lu le livre avant de voir le film, me donner envie de le porter aux nues. Il apparaît dans le récit une dimension spirituelle, pas tellement celle d’un dieu bien que la plupart des survivants soient issus de milieux catholiques, mais d’une déesse, la montagne. C’est en effet quelque chose qui force le respect, quelque chose qui fait que quand vous êtes isolés sur n’importe laquelle d’entre elles, vous ressentez la vie d’une autre manière. Il ne suffit pas de sortir une liasse de billets de banque pour acheter vos envies. Il n’y rien que la montagne et vous, muette, gigantesque, tentaculaire. Il reste quand même que la lecture de ce livre est une expérience personnelle enrichissante. De toute ma vie, c’est le seul livre que je n’ai pu lâcher après l’avoir commencé, le seul qui m’a fait passer une nuit blanche et que j’ai lu au moins une dizaine de fois. Alors…

6 réflexions sur “Bas nylons, des livres et des vacances

  1. Bonjour M. Le Boss,
    Les livres de témoignages sont très importants aussi bien pour faire perdurer le souvenir que montrer les forces de vie de l’humain …….et en parallèle celles des plantes.
    Bonne semaine
    cooldan

    • Hello Cooldan,
      Je crois que les histoires un peu spéciales méritent toutes d’avoir leur livre.et assez rapidement après les faits, elles peuvent servir de référence dans le futur. Ce n’est pas toujours le cas et après on raconte un peu n’importe quoi. Le livre de Bernadac est le seul témoignage sur cette histoire et il a été écrit 25 après les faits, c’est déjà long.
      Bonne semaine

  2. Bonjour Mr Boss,

    Wahou ! Des lectures assez tragiques pour les moments de détente….
    Tenez : ce Dimanche 1er juillet : l’Etat a honoré la mémoire de Madame Veil , résistante et femme d’action, en particulier pour son combat politique en faveur de l’IVG. Double combat : en tant que femme, et ensuite pour son projet de loi abouti.
    Elle est la 5è. femme à être admise au Panthéon. Belle reconnaissance.
    Concernant le musicien André Verchuren, quelques temps avant sa disparition, il confiait à un/e journaliste avoir eu la vie sauve pendant sa déportation en raison de sa faculté à jouer de l’accordéon. Il intégra malgré lui une sorte de fanfare du camp avec d’autres prisonniers et put ainsi survivre jusqu’à sa libération par les Alliés. Parfois l’horreur côtoie le raffinement. Cruel paradoxe.
    Le dernier livre « Les survivants » a été me semble t-il adapté à l’écran. Mais je ne me souviens plus du casting des acteurs. Cet évènement avait défrayé la chronique en son temps. Etant assez jeune à l’époque des faits, ma mémoire n’en a rien retenu. Des années plus tard, le fait était évoqué à chaque catastrophe aérienne où la survie des rescapés dépendait, horreur suprême, au recours à l’anthropophagie. Ca donne froid dans le dos…
    Bonnes vacances et bon été à vous.
    Peter.

    • Hello Peter,
      L’histoire d’André Verchuren est à mettre en parallèle avec celle de John William, qui vendit des tonnes de sa « Chanson de Lara ». Il fut aussi déporté et c’est sa voix qui le sauva, les Nazis étaient babas de l’entendre chanter.
      Les Survivants a été à l’écran dans un film assez moyen avec Etan Hawke et des acteurs moins connus. Il est très loin de restituer l’ambiance du livre.
      Bonnes vacances à vous aussi.

  3. Et j’allais oublier:
    souhaitons un merveilleux été à toutes ces filles très déshabillées pour notre plus grand plaisir et le leur. Séduction féminine oblige. Rires.
    Peter’

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